vendredi 17 juillet 2009

Chapitre 24 : L'Alliance

Noir. Le ciel était complètement noir, obscurci par des nuages qui déversaient de l’eau continuellement. Autant la pluie s’était montrée paisible au début de la matinée, autant c’était désormais une véritable tempête qui commençait à s’abattre sur la contrée de Magilia. L’eau rentrait dans les appartements de Muriel par les ouvertures béantes des baies brisées, mais cela n’empêchait pas le combat de continuer. Les Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs récupérèrent quelque peu, puis se concentrèrent longuement, faisant appel aux rochers de Fept où l’énergie était centralisée pour leur permettre d’y accéder plus aisément. Ils y faisaient souvent appel instinctivement, mais à cet instant ils cherchaient à récupérer toute leurs forces, et en cinq minutes ils y parvinrent. Cinq minutes durant lesquelles ils étaient restés hors du monde, alors que trois Mages des Temps combattaient un étage au-dessus. Muriel leur avait bien rappelé qu’ils devaient conserver un maximum d’énergie, et être en liaison directe avec leurs rochers afin de pouvoir sceller l’Alliance quand le moment viendrait. Mais ils avaient encore un peu d’énergie qu’ils pouvaient dépenser pour retarder le moment où la Peur arriverait à les capturer et s’en prendrait très certainement à Charles et Marine qu’elle avait déjà voulu tuer. Un cri alerta les aquisextains qui remontèrent les escaliers et rattrapèrent de justesse Magior qui tombait. Il était gravement blessé, et ils décidèrent de tenter de le soigner. Ils endiguèrent le flot de sang qui coulait, et purent estomper quelque peu la douleur, mais l’art de la guérison était très complexe, et de toute manière la Magie ne pouvait réparer ce que le corps reconstituait de lui-même. Pierre leur avait conté un passage d’un récit vieux de cinq cents ans, où une personne ayant perdu un bras avait pu le récupérer certes par la magie qui avait aidé à ressouder le membre au reste du corps, mais c’était surtout cette personne qui avait fourni les efforts pour retrouver l’usage de son bras et pour cicatriser. Une porte entrouverte révéla une chambre inoccupée, où ils purent allonger le Mage des Temps. Après s’être assurés que le conseiller d’Hélène fut hors de danger, ils purent retourner dans l’escalier en colimaçon, et refermèrent la porte délimitant les marches menant chez Muriel du pallier. Ils arrivèrent derrière Muriel et Pierre, qui eux aussi étaient blessés. Ils ne pourraient tenir plus de quelques minutes. Que faire ? Comment gagner encore du temps ? Se téléporter ailleurs pourrait être utile et profitable, bien que couteux en forces. Et ils n’arrivaient même pas à contrôler cette discipline. Les Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs se consultèrent du regard, et ils se concentrèrent sur l’image de la grotte, ainsi que sur celle de la Sorcière de la Tour et de leur professeur. Rien. Rie ne venait. Ils réitérèrent, en vain. Le Mage Noir de son côté commençait à devoir faire appel à m’énergie mise à sa disposition par le Mal suprême pour poursuivre, et décida d’en finir au plus vite. Il renforça d’un coup la puissance de ses sphères, puis mit en place un mur qu’il propulsa vers ses deux adversaires. Quant ils tombèrent sur les Fienpoti, ils déclenchèrent la téléportation, qui décidément n’en faisait qu’à sa tête. Ils se retrouvèrent soudainement dans l’eau du lac, à un endroit où ils avaient pied. Ce bain les vivifia, et les rappela à la réalité. Il ne fallait que faire diversion, gagner du temps. Et là ils en avaient obtenu.

Les représentants des Cinq Mondes voyaient l’armée intermondiale combattre celle de la Peur, et finalement, bien que la situation leur paraisse désespérée par moments, un léger avantage commença à se dessiner pour eux. Cela leur redonna de l’espoir, et ce fut avec plus d’excitation qu’ils donnaient des indications, permettant aux mages de mieux repérer leurs homologues de Calor par exemple. L’idée d’Hélène que de demander à des dragons s’ils voulaient bien les prendre sur leur dos et survoler le champ de bataille s’était révélée très judicieuse. Ils restaient côte à côte, et finirent par ne plus faire de distinction entre les combattants venant de leur monde, et donnaient des informations dès qu’ils en avaient susceptibles de les aider. Voyant que l’armée du Sorcier Noir était repoussée vers le Portail, les représentants nommèrent deux mages et trois niumadins, un de chaque monde pour conserver la parité et l’égalité, et des dragons libres se proposèrent spontanément pour les prendre et voler au-dessus des combattants. Ils purent ainsi aller vers le sommer de la Tour Sacrée d’Heucalia, vers l’endroit où plus de deux mille ans auparavant, leurs lointains prédécesseurs avaient fait l’inverse de ce qu’ils comptaient faire. Refaire ce qui a été défait pour faire disparaître le Mage des Ténèbres.

Le Mage Noir ne tarda pas à se rendre compte que de manière brusque ses adversaires avaient disparu. Il dévala les escaliers, se demandant où ils pouvaient être allés. Il parti vers les étages inférieurs, les parcourant brièvement, se contentant de faire brûler des portes pour vérifier des salles. Il omit la chambre où Magior se reposait, à moitié inconscient. L’exploration des salles prenait du temps, et il se contentait d’un simple regard. Il trouva quelques mages qui le ralentissait, et qui préféraient s’enfuir au bout d’un moment, répondant aux instructions de Muriel qui leur avait demandé de faire obstacle à la progression du plus puissant serviteur du Mal Suprême dans le cas où il descendrait du sommet vers d’autres étages. Au bout d’une demi-heure, il n’avait toujours pas trouvé. Et il s’impatientait de plus en plus. Où pouvaient-ils être passés ? Ma Salle aux Archives pouvait être un endroit idéal. Il s’y rendit, et y passa dix minutes en vain. Il vit une porte, et l’ouvrit. C’était la galerie allant vers le Lac Souterrain, il s’en souvenait. Il marcha jusqu’à l’étendue d’eau, et trouva enfin ceux qu’il cherchait. Mais avant même qu’il ne put faire quoi que ce soit, des présences l’entourèrent, et perturbaient ses sens. Il n’entendait ni ne voyait plus rien, tout se mélangeait. Il était guidé par les esprits vers le pont, puis tomba dans l’eau, et se noya. Les Fienpoti regardaient avec stupeur cette scène, découvrant que les esprits étaient véritablement loin d’être inoffensifs pour les ennemis d’Heucalia. Ils purent remonter vers la Tour Sacrée, gagnant encore du temps.

Les dragons volaient à toute vitesse vers le sommet de la Tour, qui s’agrandissait continuellement. Ils s’attendaient à des éclats de lumière témoignant d’un combat, comme sur le champ de bataille, mais il n’en était rien. Personne ne les attendait. Les dragons s’approchèrent un à un pour leur permettre à tous de se poser sans précipitation. Une fois les Cinq Représentants réunis, ils remercièrent les créatures qui le avaient transportées et qui étaient à présent plus qu’épuisées. Elles descendirent paisiblement jusqu’au sol, et s’allongèrent sous la pluie torrentielle. Ils attendirent de longues minutes, puis des bruits de pas se firent entendre. Magior leur apparut titubant épuisé, mais sorti de la semi-inconscience dans laquelle il était resté près d’une heure. Il leur avoua qu’il ne savait pas où étaient les Quatre Sorciers, ainsi que Muriel et Pierre. N même à quel endroit se trouvait le Sorcier Noir…

Les esprits combattaient la puissante volonté du Mae Ténébreux, et sa force magique. Sa puissance étai mense, bien qu’il ait usé nombre de ses ressources, et qu’il devait s’appuyer de plus en plus sur celle du Mal Suprême. Quand il aurait assouvi les Fienpoti et tué les Mages des Temps, ainsi que Charles et Marine Rigalor, il aurait besoin de repos. De beaucoup de repos. Il réunit tout ce qu’il pouvait d’énergie magique, et se téléporta à l’entrée de la Tour. Il tomba au sol, exténué, devant Kotoin qui venait d’arriver, après avoir quitté le champ de bataille pour aider. Le mage Heucalien sentit la rage monter en lui, la rage contre celui qui l’avait dominé, l’avait manipulé durant tant de temps, et qui était désormais par terre devant lui. Il le frappa, mêlant sphères magiques et coups physiques. Du sang noir coulait de tout part. La Peur n’arrivait pas à se dégager, et sentit que Kotoin créait un champ de force pour l’immobiliser. Les grandes protes d’entrée étaient fermées, et les fenêtres laissaient seulement voir un ciel noir ainsi que les gouttes d’eau. La Peur vit au-dessus de Kotoin qui s’était reculé un lustre qui projetait une lumière tamisée. Il créa une sphère de feu qui jeta sur l’épaisse attache en métal qui fondit, et Kotoin se retrouva immobilisé par le lustre qui était tombé sur lui. Il était même inconscient. Le Mage Noir se releva péniblement, se demandant même comment il pourrait encore affronter qui que ce soit.

Les aquisextains ainsi que les deux Mages des Temps montaient par un petit escalier éloigné du principal, afin de limiter les chances de to sur le Sorcier Noir, se doutant qu’il avait d’ores et déjà dû se libérer des esprits. Ils arrivèrent enfin au sommet, fortement essoufflés d’avoir gravi treize étages en courant depuis la Salle des Archives. Les cinq représentants des Cinq Mondes étaient là, Hélène Dudragon, Jacques Rigalor, Florian Legros, Firion Nollio et Marco De la Châtaigneraie. Et leurs proches étaient à l’abri, à Magilia-la-cité ou à Collina qui était encore plus éloigné du champ de bataille. Ce dernier se devinait au loin, mais la pluie rendait difficile la vision. L’heure de sceller l’Alliance était venu. Les représentants se regardèrent, se demandant ce qu’ils étaient censés faire. Jacques Rigalor déclara : » Commencez, Hélène. Vous êtes la plus jeune, et une femme qui plus est !
- Non, répondit-elle, c’est à Firion de débuter, c’est le plus âgé, et en plus il s’est montré meilleur stratège que moi tout à l’heure
- Peut-être, fit-il, mais Jacques est sans doute celui qui a le plus subi la Peur ces derniers temps, et même il y a treize ans ! Je pense donc que c’est lui qui devrait débuter
- Et pourquoi pas Marco ? demanda le roi de l’Armont.
- Parce que j’ai moins d’expérience que vous ! «
Ce fut le moment que choisirent Jassifiadine et Blimont pour apparaître au sommet. Ils restèrent silencieux, mais sourient en voyant les représentants cherchant à savoir qui devait commencer à dire quelque chose pour marquer leur alliance. Muriel leur déclara : »Ressentez-vous le besoin de déclarer quoi que ce soit ? ». Ils se dévisagèrent, et s’aperçurent que plus que des paroles, les gestes rendaient réellement compte d’une alliance. Jassifiadine et Blimont dirent « Nous allons chercher la personne qui manque ici », et disparurent. Les cinq représentants formèrent une poignée de main, du côté sud du sommet tandis que les Fienpoti se regroupaient au nord. Muriel, Pierre et le pauvre Magior affaibli allèrent à l’Est. Une minute s’écoula, puis les deux conseillers du Peuple Magique apparurent, tenant entre eux le Sorcier Noir qui se débattait faiblement. Il sentait qu’il avait perdu, et fut placé au centre du plus haut étage de la Tour, tandis que ceux qui l’avaient emmené se placèrent à l’ouest. Jassifiadine prévint Muriel que Kotoin était gravement blessé au rez-de-chaussée, et qu’il fallait le voir dès que l’Alliance serait scellée. Les représentants attendaient, et dirent : « Nous ne savons que faire ! Pour nous, nous sommes déjà alliés ». Les Fienpoti comprirent que l’Alliance s’était déjà matérialisée au futur et à mesure de la journée, et qu’il ne restait plus qu’à faire appel aux Quatre Pouvoirs : »Fept ! F pour le Feu, E pour l’Eau, P pour les Plantes et T pour la Terre ! Par les Quatre Pouvoirs, nous scellons cette alliance, et nous la formons par sa propre énergie détenue par la Peur ! Que la Grande Alliance des cinq Mondes vive sur les cendres de la Peur ! Qu’elle puise en lui toute son énergie lui appartenant ! Fept ! ». Ils canalisèrent de plus en plus d’énergie, faisant pleinement appel aux pierres à Fept qui brillèrent vivement. L e Sorcier Noir murmura quelque chose que seul Muriel et les deux conseillers entendirent, quelque chose qui n’était pas réellement de bon augure, mais il n’était pas temps de se préoccuper de cela0. Il était temps de voir la Grande Alliance vivre ! La Peur eut véritablement… peur de la mort, peur de disparaître, et ce furent els autres qui lui firent peur pour une fois. Et pour la dernière. Elle brilla, tandis que de des milliers de particules la quittaient, et formèrent une sphère au-dessus d’elle. Elle finit par complètement disparaître, tandis que la boule lumineuse explosa en douceur, et que les particules partaient en tout sens. L’énergie de l’Alliance allait désormais se disperser de partout, et vivre dans tous les éléments. Les Fienpoti sentirent la limite de leurs pouvoirs, et ne la franchirent pas. Des rayons rouges, bleus, verts et gris s’entremêlaient également, rayonnant tout autour des Quatre Sorciers. Ces rayons se dispersèrent eux-aussi à l’image des particules, afin de donner aux Fienpoti le rôle de Gardiens de cette nouvelle Grande Alliance. La Peur n’était plus, l’Alliance était. Ce qui avait été défait avait été refait. Et un rayon de soleil perça les noirs nuages, et ce fut un arc-en-ciel qui traversa le ciel, tandis que l’armée de la Peur s’enfuyait vers le Portail, et qu’en quelques minutes elle était passée dans un monde soumis au Mal Suprême, afin de quitter au plus vite Heucalia, car tous avaient senti la mort de leur commandant. Kotoin fut guéri, et put regagner sa demeure Heucalienne. Charles, Marine, Elmadie, Ullior, Jenny, Nathan et Louis regagnèrent la Tour dès qu’ils apprirent la nouvelle. Et les Quatre Sorciers aux quatre Pouvoirs purent se reposer, puis une grande fête fut organisée. Les nuages disparurent progressivement le lendemain, la pluie ayant finalement lavé Heucalia de la présence du Mal à travers le Sorcier Noir. Et les Fienpoti purent voir en souriant qu’ils avaient véritablement réussi leur mission. Le ciel était désormais si clair qu’il était plutôt blanc que bleu. Blanc.


Fin de la Partie 4

Fin du Livre 1