dimanche 9 septembre 2007

Chapitre 7 : Le songe et la fuite

Des nuages noirs recouvraient le ciel au-dessus de la Cité aux Fées. Le soleil s’était couché depuis quelques heures déjà, et tous les Elfes, Fées mais aussi les Fienpoti, Nathan et les jeunes Sourçois dormaient profondément. Des gouttes de pluie s’abattirent sur les maisons, les arbres, le Palais, le sol, les fleurs, et sur tout ce qui était en contact avec l’extérieur. Tout était tranquille, pas un seul bruit ne dérangeait le sommeil des Quatre Sorciers au Quatre Pouvoirs. Un sommeil qui paraissait banal. Pourtant, le rêve qu’ils faisaient tous les quatre était particulier. Ils étaient ensemble, et avançaient dans une allée qui conduisait à une grande tour. Elle devait faire une dizaine d’étages, et s’élevait majestueusement au-dessus de toutes les habitations du village à son pied. Sa base, au niveau des trois premiers étages était assez large, mais chaque étage était plus petit que celui d’en-dessous, et ainsi du rez-de-chaussée au sixième étage la tour rapetissait, puis gardait la même largeur jusqu’à son sommet. Une femme, qui était sur le sommet de la tour, les appela. Ils ne pouvaient pas distinguer son visage, et n’auraient probablement pas pu entendre ce qu’elle disait, pourtant ils comprirent qu’elle leur demandait de la rejoindre au sommet de la Tour. L’allée s’achevait devant une grande porte en bois sur laquelle un « H » était sculpté, chaque barre verticale sur chacun des battants, et la barre horizontale partagée en deux. Une multitude d’arabesques ornait aussi bien le bois de la porte que les deux colonnes qui l’encadraient des deux côtés. Le « H » se mit soudain à briller, et la porte s’ouvrit. Un couloir éclairé par de nombreuses lampes accrochées aux murs, et par deux fenêtres situées sur les deux côtés de l’entrée menait à un grand escalier en colimaçon. Celui-ci s’enfonçait dans les profondeurs de la tour, et montait également vers le sommet. Les Fienpoti arrivèrent devant cet escalier, et après s’être regardés, montèrent ensemble, car quatre personnes pouvaient se tenir de front. Ils montèrent douze étages avant qu’une porte se dresse sur le palier, fermant l’accès au dernier étage. Mais l’obstacle en bois noir finement ouvragé s’ouvrit pour les laisser passer. Le groupe arriva dans une pièce bien éclairée par des baies se situant sur les quatre côtés, et furent admiratifs devant les magnifiques tableaux représentants des paysages inconnus, des meubles délicats, les bibliothèques remplis d’ouvrages reliés situées du côté nord, la partie salon au sud, le bureau à l’est et la chambre avec une salle de bain à l’ouest. L’escalier se tenait au centre de ces appartements, dont les différentes parties étaient séparées par des tentures, avec de nombreuses ouvertures qui pouvaient se fermer à l’aide d’autres tentures. Une voix musicale les appela : « montez sur le sommet de la tour ! Venez, chers Fienpoti ! ». Ils montèrent sur le toit, qui n’était en réalité non pas considéré comme un étage, mais comme le sommet, non seulement de la tour, mais aussi de ce monde étrange. Ils sortirent face au sud, et ils virent le portail par lequel ils étaient arrivés, puis l’allée où ils avaient marchés jusqu’au pied de la tour. Etrange. Le rêve semblait avoir pourtant commencé juste en bas. La femme qui les attendait se tenait en face de l’escalier, tournant le dos à la rambarde en pierre. Elle était svelte, élégante avec sa robe noire qui mettait en valeur la blancheur de sa peau, et ses longs cheveux d’ébène tombaient en cascade sur ses épaules. Ses yeux noirs les observaient, tout en les invitant à venir. Ils s’approchèrent, puis s’arrêtèrent à un mètre d’elle. Elle sourit, puis déclara : »Chers Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs, je vous souhaite la bienvenue dans le monde d’Heucalia. ». Elle désigna de sa main la plaine qui s’étendait au pied de la tour, située au nord de celle-ci. Outre le petit village, on distinguait des champs au sud, des chemins qui se fondaient dans le paysage, des arbres, des petits bois, des sortes de temples, des maisons rappelant celles que l’on trouvait au Japon sur la Terre, des petites collines, et des hameaux dispersés dans la plaine. Ce monde semblait calme, même sans le fait qu’il n’y avait personne excepté eux et la femme. Le soleil brillait au-dessus d’eux, et aucun nuage n’était visible dans le ciel bleu.

« Je m’excuse de vous déranger dans votre sommeil paisible, mais j’avais besoin de vous parler, et le monde des rêves est utile pour cela, même si rares sont les personnes pouvant l’utiliser de cette manière.

- Et qui êtes-vous, madame ? demanda Alice.

- Je suis Muriel De Potel, Sorcière de la Tour Sacrée d’Heucalia ».

Les jeunes sorciers ne savaient pas du tout ce que signifiait ce titre, mais il semblait honorifique, et il ne faisait aucun doute qu’elle était la maîtresse de cette tour qui était apparemment « sacrée ».

« Je vous ai fait venir pour une raison capitale. A vrai dire, comme vous vous en doutez peut-être, l’avenir des Cinq Mondes est entre vos mains. La Peur est très puissante, et chaque siècle qui passe elle devient de plus en plus habile avec la Magie Noire. Et le fait que le Mal Suprême l’ait avec lui depuis longtemps n’arrange rien. Il existe pourtant un moyen de la vaincre, un seul. Quoi que vous fassiez d’autre, cela ne blessera au mieux le Mage Noir que pour quelques années. Vos prédécesseurs avec le Peuple Magique l’ont attaqué suffisamment pour tuer une dizaine de fois n’importe quel Sorcier ou Niumadin, mais il s’en est sortit en devant rester une dizaine d’année à Jiriond pour sa convalescence. Pour le vaincre, il est nécessaire que cela se passe à Heucalia.

- Pourquoi à Heucalia ? questionna Fabien.

- Pour défaire ce qi a été fait, il faut faire l’inverse, expliqua Muriel. Je vais vous expliquer cela. Ah ! J’y pense : pour venir à Heucalia, il vous faudra réunir les Cinq Grands Trésors des Cinq Mondes. Je ne peux ouvrir le portail d’ici sans prendre le risque que la Peur ou des serviteurs du Mal Suprême ne viennent, et ainsi vous commencerez à réunir les Cinq Mondes.

- Les Cinq Grands Trésors ? répéta une voix.

- Oui, les Cinq Grands Trésors, acquiesça Muriel. Celui de la Magiterrae est entre les mains de Jacques Rigalor, ou du moins il sait où il est. Quant au second... Mais qui êtes vous ?

- Je suis Antoine, serviteur du Mal Suprême, répondit le jeune home qui venait d’apparaître au niveau de le la porte donnant sur l’escalier. Alors, comme ça, vous profitez des nuits pour donner conseils à de pauvres enfants qu’il faut conduire auprès de la Peur et du Mal Suprême ? Et c’est ici que se trouve le moyen de détruire le Mage Noir ? Intéressant. Nous allons venir dès que nous aurons ces « Grands Trésors » ! Ha ha ! Et le Monde des Esprits et de la Magie sera à nous ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha !

- Partez, mes enfants ! cria Muriel. Même le Monde des Rêves possède des oreilles indiscrètes. Trouvez ces Grands Trésors avant la Peur, et venez ! Retournez dans vos propres rêves ».

Peu à peu tout devint flou, Antoine toisa Muriel en lui demandant où étaient les Grands Trésors, et quel était ce moyen de défaire ce qui avait été fait. Muriel le poussa sur le côté, puis disparut. Des songes paisibles accueillirent les jeunes apprentis-sorciers, mais le rêve qu’ils avaient tous les quatre vécu était resté dans leur mémoire.

Muriel ouvrit les persiennes qui empêchaient les rayons du soleil de pénétrer dans ses appartements par les grandes baies. Elle pensait à la conversation qu’elle avait eue avec les Fienpoti. La Sorcière de la Tour craignait de ne jamais plus pouvoir leur parler par ce moyen. Il faudrait attendre qu’ils viennent pour leur expliquer ce qu’elle avait voulu leur dire. D’après ce qu’elle savait, ils étaient dans la Cité aux Fées, et il était probable qu’ils tentent de libérer la famille Rigalor. Elle le savait grâce à la conversation qu’elle avait eue avec un des Esprits d’Heucalia, qui le savait par un Génie qui vivait justement dans la Forêt aux Fées. Mais comment cet Antoine avait-il pu parvenir dans ce rêve avec les Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs ? Le Mal Suprême devait y être pour quelque chose. Pourvu qu’ils trouvent les Grands Trésors avant le Peur ! Pourvu qu’Antoine interprète mal ce qu’elle avait dit !

Une jeune servante s’avançait dans les couloirs du Château Royal de l’Armont, portant un plateau avec le petit-déjeuner de sa majesté le Sorcier Noir. Elle ouvrit doucement la porte après avoir toqué et attendu la réponse l’invitant à venir. Elle déposa le plateau sur une grande table de nuit, puis demanda la permission de se retirer. Cela lui fut accordé. Le Sorcier Noir savoura son petit-déjeuner, s’habilla avec d’élégants habits rouge et or, symbole de la royauté Armonoise, puis rejoignit son bureau. Au moment où il entra, son serviteur Kotoin l’appela poliment, et lui transmit un message de la plus haute importance. « Le moyen de vous détruire se situe dans le monde d’Heucalia, qui, comme vous le savez, est impossible d’accès pour l’heure. Mon fidèle serviteur Antoine a intercepté un rêve de cette idiote de Muriel, et elle apprenait aux Fienpoti qu’il fallait réunir les Cinq Trésors, avec évidemment un dans chacun des Cinq Mondes. Un est en possession de Jacques Rigalor. Faites trouver les autres, puis allez à Heucalia pour détruire ce moyen, et en profiter pour prendre le contrôle de ce monde. Avec les Esprits, vous n’aurez aucun mal à absorber les pouvoirs de ces jeunes soi-disant plus sorciers des Cinq Mondes. Ceci est un ordre de Sa Grandeur, Le Mal Suprême, unique maître de tous les mondes. ». Le Sorcier Ténébreux lit le message à haute voix, puis réfléchit un instant. Heucalia. Les Portails refusaient de s’ouvrir vers ce monde. Il était même fort peu probable que les Fienpoti puissent les ouvrir vers le Monde de la Magie, même si leurs pouvoirs alimentaient en quelque sorte les Portes des Mondes, comme on les appelait parfois. Le Mage Noir décida de réfléchir à cela après l’exécution de la famille Rigalor, qui refusait de le reconnaître comme étant le nouveau Roi de l’Armont. Et ils seraient un obstacle en moins devant l’affirmation de son grand pourvoir sur les Cinq Mondes. Le beau sorcier se dirigea vers l’escalier après avoir posé la lettre sur le bureau, son bureau et non celui de Jacques Rigalor. Son bureau à lui, le nouveau roi de l’Armont ! Il monta au sommet de la plus haute Tour, située au centre du château. A l’avant-dernier étage avant le sommet ouvert sur le ciel, il trouva la porte verrouillée comme elle devait l’être. Il désactiva les champs de force magiques, désactiva les deux pentacles situés devant et sur la porte, puis entra. Il regarda d’un air méprisant les Rigalor allongés sur des matelas sur le sol, et ne put retenir un éclat de rire. Ces vermines alliaient disparaître dans quelques heures, et il les tuerait lui-même. Il ricana de nouveau, puis s’arrêta quand il entendit Jacques Rigalor qui s’esclaffait lui-aussi.

« Pourquoi riez-vous, cher ancien Roi de l’Armont ? Je vous rappelle que vous allez mourir aujourd’hui, avec votre famille. A votre place, je supplierais celui qui va m’exécuter, c’est-à-dire moi, d’épargner ma femme et mes enfants. Je le ferais si vous me dites où se trouve le Grand Trésor en votre possession. Je sais que vous savez de quoi je parler !

- Que vous êtes stupide, cher usurpateur ! Croyez-vous que je vais vous le dire, même sous la torture ? s’exclama Jacques Rigalor.

- Comment osez-vous ? dit la Peur en s’énervant.

- Croyez-vous que l’Armont va s’incliner devant vous ? Êtes-vous réellement stupide, ou êtes-vous naïf ? murmura le roi de l’Armont.

- Je vais faire souffrir votre famille devant vous, susurra le Mage des Ténèbres, enlever leurs membres uns à uns, les brûler avec des sphères magiques, leur arracher les yeux, les dents, découper leur nez…

- Profitez de ce moment de pure bonheur, car vous allez êtes vaincu, comme toujours ! l’interrompit M. Rigalor.

- Je n’ai pas toujours été vaincu, car certains mondes ont basculés dans les ténèbres grâce à moi ! Et j’ai convertit beaucoup de Sorciers et Niumadins à notre juste cause de dominer le monde et de permettre au Mal Suprême de quitter sa prison ! cria la Peur. Je ne perds que lorsque je ne suis pas suffisamment préparé, et quand je me fourvoie, ce qui est bien sûr très rare, mais vraiment très rare !

Le Mage Noir s’avança, gifla violemment le roi, et lui jeta une sphère noire vers son cœur, et il s’évanouit. La Peur remit en place toutes les protections, puis descendit au rez-de-chaussée pour voir si la cour d’honneur, devant la grande entrée, était prête à accueillir l’estrade où aurait lieu l’exécution, qui assouvirait définitivement les Armonois, qui vivraient dans la crainte de mourir comme leur ancien roi. La seule difficulté était d’extorquer l’emplacement du Grand Trésor de la Magiterrae.

Les jeunes Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs s’éveillèrent à l’aube, mais trouvèrent le palais en pleine effervescence. Des Fées et des Elfes allaient en tout sens, montaient ou descendaient les escaliers, ouvraient et fermaient des portes, allaient aussi bien çà gauche qu’à droite, ou tout droit. Blimont les invita à prendre un petit-déjeuner avec lui, directement dans la cuisine afin de gagner du temps. Ils furent rapidement rejoints par Jassifiadine qui était déjà prête à mener la bataille en tant que Conseillère-Fée avec le Conseiller-Elfe. Le fait que l’exécution de la famille royale devait avoir lieue le jour-même rendait l’attaque inévitable et urgente. Les deux Conseillers allèrent au-dehors avec les Fienpoti, et furent rejoints par Nathan et les jeunes Sourçois. Des Fées et des Elfes commencèrent à arriver sur la place devant le perron du Palais, devant une porte en bois, sous une arcade en pierre bleue. Après avoir demandé ce qu’était cette porte à laquelle ils n’avaient pas prêté attention la veille, Jassifiadine leur expliqua que c’était un Portail, mais qu’il ne fonctionnait que vers les autres Cités ou Temples où habitait le Peuple Magique, pour des mesures de sécurité, depuis que la Peur était revenue. Le groupe grossissait de minutes en minutes, et même des personnes qui n’allaient pas avec eux venaient également, afin d’apporter des gourdes à accrocher à la ceinture, ou bien pour se renseigner d’avantage que ce qui allait se passer. Blimont parlait avec un grand Elfe brun quand les deux battants de la porte s’ouvrirent peu à peu. D’un côté, on voyait la Place du Portail à Fept, tandis que de l’autre il n’y avait qu’un mur. Ce dernier faisait face à la porte du Palais. Fept semblait avoir perdu ses couleurs, et mis à part les pierres des Quatre Pouvoirs visibles, tout était gris ou noir. Des mages vêtus de noir arrivèrent avec des soldats gris, et commencèrent à attaquer les Fées et les Elfes les plus proches du Portail. Les sorciers lancèrent des sphères noires qui manquèrent de peu les deux Conseillers, et les soldats donnèrent des coups de lance, d’épée ou de poignard, et deux elfes et une Fée tombèrent au sol. Déjà cinq Mages et vingt soldats avaient pénétré dans la Cité par le Portail. Des Fées s’étaient écartées, et tentaient de faire refermer le Portail, en vain. Les Fienpoti s’écartèrent de la bataille après avoir neutralisé deux mages et trois soldats, puis fermèrent les yeux, et crièrent « FEPT ! Par la Magie des Quatre Eléments, Portail, ferme-toi ! FEPT ! ». Soudain les deux battants, qu’essayaient toujours en vain de fermer par magie des Fées, et que maintenaient ouvert des mages à Fept, commencèrent à se fermer. Le Portail était alimenté en énergie magique par les pierres des Quatre Pouvoirs, où canalisaient également les Fienpoti leur énergie magique. De ce fait, le Portail, qui obéissait à leurs pouvoirs se ferma, et les jeunes sorciers clamèrent « FEPT ! Verrouille-toi, Portail de la Cité aux Fées ! ». Peu à peu le Peuple Magique, assisté par les Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs et par Nathan reprirent le dessus dans la bataille, même si de nombreuses personnes furent touchées, et certaines gravement. Elles n’avaient pas la force de se téléporter à l’abri car cela exigeait environ un quart de l’énergie vitale. D’ailleurs, quand des habitants de la Cité aux Fées étaient allés aider les jeunes sorciers en difficulté dans la Forêt, ils s’étaient regroupés pour réduire au maximum la dépense d’énergie vitale, et pour pouvoir les ramener assez facilement. Enfin, près d’une heure après que le Portail se fut ouvert, la bataille cessa. Tous les serviteurs de la Peur étaient neutralisés, ou évanouis. Jassifiadine et Blimont allèrent à l’écart, et discutèrent durant un quart d’heure. Quand ils revirent, ils annoncèrent que les mesures de sécurités mises en place depuis l’arrivée de la Peur en Armont allaient être renforcées. Les Fienpoti étaient conscient que la Peur risquait de tenter de venir en personne.

Quand le Mage Noir apprit la défaite de son armée dans la Cité aux Fées, il hurla de rage. Certes, la dernière chose qu’avaient vue des mages sur place avait été le Portail se fermant, et se verrouillant, mais il était fort probable que, comme seul le quart de son armée avait pu pénétrer dans la Cité aux Fées, ses soldats avaient dû perdre la bataille. Dix heures sonnèrent, et le Sorcier Ténébreux ferma sa porte, et dit à une servante qui passait de veiller à ce qu’on ne le dérange pas. Il voulait les Fienpoti, il les voulait. Fienpoti. Les Quatre Pouvoirs. Les Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs. Le Sorcier des Ténèbres se fit emmener Pierre Monbikand, détenu dans une autre pièce que celle où était la famille Rigalor. L’ambassadeur de l’Armont le regardait avec fierté, et une lueur était visible dans ses yeux, indiquant qu’il pensait que son geôlier allait être puni. Ce petit ambassadeur était si naïf ! Penser qu’il allait le voir, lui, la Peur, vaincue ! Il s’approcha de lui, et il prit un poignard sur le bureau. Il le plaça contre la gorge, et sans se rendre réellement compte de ce qu’il faisait, il se téléporta, et ressentit une grande résistance s’opposer à cela. Une résistance si forte qu’il crut ne pouvoir arriver au Palais aux Fées. Mais les dalles blanches et noires apparurent en fin de compte, et il s’avança…

Dix heures sonnèrent, et une dizaine de Fées et autant d’Elfes se téléportèrent en se tenant par la main, afin que leur énergie combinée puisse téléporter avec eux les Fienpoti, qu’ils avaient également pris par la main. Ces derniers avaient en vain tentés de se téléporter, mais il s’était avéré qu’apparemment ils avaient eu de la chance d’y être parvenus avant d’être vaincus par la Peur. En effet, la plupart du temps, ce don, qui n’était présent que chez le Peuple Magique et chez les Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs, ne se développait que vers les vingt ans. C’était l’un, sinon le don qui apparaissait le plus tardivement, probablement car, après la combinaison des Quatre Pouvoirs à leur maximum, était l’acte magique consommant le plus d’énergie vital. La Peur y arrivait également, mais étant constituée par de puissants pouvoirs, et le Mal Suprême l’aidant, cela n’était pas surprenant. Les jeunes sorciers virent Nathan, les jeunes Sourçois et Jassifiadine, qui restait finalement, les fixant, devenir flous, puis disparaître de leur vue. Un hall apparut, faiblement éclairé. Le groupe était arrivé dans le château. Mais au bout de deux ou trois minutes, des bruits retentirent dans les quatre corridors menant au hall, et étaient certainement causés par des soldats venant vers eux, alertés par une alarme magique, qui devait alerter les sorciers au service de la Peur, et qui emmenaient avec eux des Niumadins pour aller tuer les intrus. Le groupe se téléporta de nouveau, et arriva dans le hall d’entrée du Château où du coup il n’y avait guère de personnes. Le combat commença, les soldats coururent vers les membres du Peuple Magique, en sortant des épées forgée dans un autre monde, et d’autres lancèrent des poignards. Cinq mages essayèrent d’immobiliser une Fée, et celle-ci lui jeta une sphère blanche, qui entra en collision avec une noire créée par un autre sorcier. La diversion de faire aller la garde de la Peur de l’autre côté du château allait bientôt ne plus marcher, et déjà des soldats arrivaient par l’extérieur, ou par des couloirs. Le Peuple Magique avait déjà dépensé près de la moitié de ses ressources en énergie magique, mais cela était nécessaire pour au moins sauver la famille royale, puis tenter de triompher de l’armée de la Peur dans le Château. S’ils reprenaient ce dernier, ce serait déjà une grande victoire. Les Fienpoti gravirent en se penchant les escaliers, Alice et Inès par celui de gauche, et Nedjma et Fabien par celui de droite. Ils vainquirent les mages et soldats qui tentèrent de les capturer, mais ils n’étaient pas nombreux. Mais ces quelques sphères et sortilèges consommait de l’énergie. Ils ouvrirent des portes, interrogèrent un soldat qu’ils avaient immobilisé par Magie, à l’aide de leurs quatre pouvoirs combinés, et les jeunes sorciers apprirent que la famille Rigalor était détenue dans la plus haute tour, située au centre du Château. Ils gravirent des escaliers, traversèrent des salles, longèrent des couloirs, et arrivèrent au cinquième étage. Désormais, ils devaient arriver dans la tour même, car excepté les tours, rien n’allait au-delà du quatrième étage dans le château. Après être monté jusqu’au avant-dernier étage de la tour, les Fienpoti trouvèrent la porte permettant de poursuivre l’ascension vers le sommet verrouillée. Un pentacle, en plus de celui sur le sol, se trouvait dessiné sur la porte, destiné à piéger les sorciers qui tenteraient d’utiliser la Magie pour l’ouvrir. Les quatre mages reculèrent, puis crièrent « FEPT !», et créèrent un fin rayon, des quatre couleurs de leurs quatre pouvoirs, et qui frappa le pentacle au centre. Ce dernier disparut au bout d’une minute d’efforts intenses, puis ils détruisirent également celui sur le sol, afin que la Peur ne soit plus la seule personne pouvant le franchir. La porte s’ouvrit, et les quatre Terriens gravirent les marches, jusqu’au sommet. Ils durent détruire deux autres pentacles, désactiver des sortilèges barrant l’escalier par un champ de force, et arrivèrent enfin auprès de la famille Rigalor. Les jeunes sorciers venaient de trouver la famille Rigalor ! Seulement, ils n’avaient guère plus d’énergie, à cause des nombreux charmes qu’ils avaient dû rompre, mais n’en firent rien paraître, même s’ils vacillaient légèrement, mais cela était presque imperceptible.

« Les Fienpoti ! Vous venez nus sauver ! Jamais je ne pourrais vous remercier suffisamment ! s’exclama M. Rigalor

- Ce n’était que notre devoir, répliqua modestement Alice.

- Venez, ne restons pas ici ! fit Fabien. Nous ne savons pas si on nous a vus monter.

- Oui, vous avez raison, dit la reine de l’Armont. Allez, venez, Marine et Charles ! Nous devons partir avant que la Peur ne vienne ! »

Jassifiadine regardait, les yeux écarquillés, le Mage Noir qui menaçait de trancher sur le champ la gorge de l’ambassadeur de l’Armont, le tuteur des Fienpoti, Pierre Monbikand. Pourtant, sa voix ne trembla pas quand elle déclara « Que voulez-vous ? ». Les jointures des mains du Sorcier Ténébreux étaient blanches, et les veines de ses bras ressortaient, témoignant du risque probable que la lame glisse et ôte la vie du tuteur des jeunes sorciers Terriens. Il était sur le point de tuer sa victime, et de vaincre Jassifiadine en jetant une sphère, ou l’immobiliser. Elle était déjà retenue dans la salle du Conseil, où le serviteur du Mal Suprême l’avait trouvée, puis avait bloqué la porte. Personne ne le savait encore, et la Conseillère-Fée avait compris que sa survie dépendait d’elle-même. Du sang perla sur la froide lame grise du poignard, tandis que la Peur lui répondit :

« Je veux les Fienpoti. Je veux que vous me disiez où se trouvent-ils ? Dans le Palais ? Ou ailleurs dans la Cité ? Donnez-les-moi, et je vous laisserai, vous et tous les autres membres du Peuple Magique dans tous les mondes, en paix. Donnez-les-moi.

- Où sont-ils ? Je pensais que vous le sauriez, déclara Jassifiadine. Vous avez commis une erreur en venant ici, mais en même temps vous avez sauvé une partie de ce que vous avez gagné.

- Cessez immédiatement de parler en énigmes ! cria le Sorcier Noir.

- Et pourquoi les-voulez-vous ?

- Pour avoir leurs pouvoirs, pour que je puisse régner sur les Cinq Mondes, et sur Heucalia !

- Et que faites-vous de votre maître, le Mal Suprême ? s’enquit la fée.

- Mon « maître » aura tous les autres mondes, quand il sera libéré.

- Haha ! Laissez-moi rire ! s’esclaffa la Conseillère. Vous ne croyez pas qu’il vous offrira Heucalia, et les Cinq Mondes ! Haha…

- Arrêtez cela ! l’interrompit net la Peur. Amenez-moi à leur cachette. »

Jassifiadine le conduisit, par maints détours, vers les chambres des quatre sorciers. Cinq minutes après, alors que la Peur avançait, menaçant toujours de tuer Pierre, ils y arrivèrent enfin. Ils n’avaient croisé personne, car tous les habitants de la cité s’occupaient encore des blessés de la bataille devant le Portail. Quand le serviteur du Mal comprit que la Fée l’avait bel et bien mené à leur « cachette » qui n’en n’était pas une, mais pas à eux, il s’énerva, et du sang perla de nouveau sur la lame du poignard. Il immobilisa Pierre par la Magie, ce dernier étant bien sûr trop faible pour se défendre ou songer à se libérer, et s’attaqua violement à Jassifiadine, qui lui résista près de cinq minutes, en espérant que les Fienpoti auraient suffisamment de temps, ainsi que ces compatriotes dans le Château. Si la Peur y avait été, elle aurait pu être vaincue, et les soldats se seraient arrêtés. Mais là elle était ici. La fée finit par céder, mais la fenêtre qui avait volée en éclat dans le salon où les Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs avaient dînés servit d’alerte, et une dizaine d’Elfes et des Fées accoururent, mais ne purent attaquer leur ennemi, car ce dernier avait à présent son poignard collé contre la gorge de Jassifiadine. De son autre main, il approchait lentement une sphère mortelle de sa tête. Il allait la tuer, puis se téléporter. Tant pis pour Pierre, qu’il voulait utiliser pour convaincre les Fienpoti de se rendre. Mais Jassifiadine, dans un élan d’une personne condamnée à mourir, utilisa ses dernières forces lui donner un coup de pied en arrière, et se jeta au sol. Le Mage des Ténèbres reçut cinq boules, mais répliqua vivement, et aucun des cinq Elfe et des six Fées ne se relevèrent. Seule Jassifiadine et Pierre Monbikand restaient. La Peur regarda Jassifiadine, menaçant de tuer également Pierre, et lui demanda où étaient les Fienpoti. Au moment où une sphère noire mortelle allait être lancée sur l’ambassadeur, elle avoua qu’ils étaient au Château. Le Mage Noir se téléporta immédiatement, tandis que la Conseillère-Fée priait pour que tout se passe bien là-bas avant de s’évanouir.

Les Fienpoti virent une horloge indiquer qu’il était dix heures vingt dans la salle où étaient détenus la famille royale quand ils commencèrent à descendre. Mais en sortant de la tour pour rejoindre le point de rendez-vous avec des Elfes et des Fées, ils virent la Peur apparaître. Celle-ci, après un moment de surprise, se lança à leur poursuite, et le groupe dû sa survie aux tournants de couloirs et à l’escalier en colimaçon qu’ils empruntèrent. Elle avait abandonnée la dernière fois contre le Peuple Magique, qui l’avait surpris et empêché de réagir, et également d’appeler à lui tous ses pouvoirs, et aussi treize années auparavant car une cinquantaine de Fées et d’Elfes étaient venues, et car il y avait eu autant de sorciers et de Niumadins pour l’attaquer, et le blesser. Mais cette fois-ci le nombre d’opposants était réduit, et la Peur avait énormément de soldats, quelques milliers venus du monde du Mal Suprême, et des centaines de mages. Les jeunes sorciers savaient qu’ils ne pouvaient affronter la Peur, alors ils dressèrent des boucliers de force mais la Peur se téléportait de l’autre côté. Ils en créèrent un avant une intersection, puis un après, mais dans la direction opposée qu’ils prirent. Ils coururent en silence, et visiblement la Peur était partie du côté du second bouclier, trompée par le leurre. Ils arrivèrent enfin, au point de rendez-vous, et trouvèrent deux Fées et deux Elfes. C’était insuffisant, mais ils apprirent que malheureusement les soldats s’étaient montrés très forts, et que seulement trois fées étaient allées au-dehors pour faire venir des Châteauorois qui se trouvaient près du château, mais ces derniers n’étaient armés que de lampes ou autres objets métalliques, et lourds, trouvés dans le hall. Il y avait environ une quinzaine de membre du Peule Magique, et une trentaine de Châteauorois, mais trente soldats, plus ceux qui arrivaient en renfort, et dix mages, c’était trop. Après avoir posé la question au Roi, les sorciers apprirent que le Grand Trésor de la Magiterrae se trouvait dans l’Hôtel de Ville de Fept. Les Fienpoti aidèrent les Fées et les Elfes à les y emmener avec le peu d’énergie qui leur restait. Ils apparurent dans le hall de l’Hôtel de Ville. Tandis que le roi courait avec sa famille et les jeunes mages à la recherche du Grand Trésor, les membres du Peuple Magique assuraient leurs arrières, mais ils n’eurent affaire qu’à deux soldats, ce qui était nécessaire pour vider aussi bien les Fées, les Elfes et les mages de leur énergie. Le roi entra dans le bureau vide du Maire, puis prit l’Arbre d’Or qui était posé dans une vitrine. Le serviteur de la Peur responsable de la ville de Fept avait apparemment pris cet arbre miniature en or massif pour un simple objet de décoration. Le groupe courut en direction du Portail, pour l’ouvrir vers la Cité aux Fées, car plus personne n’était capable de se téléporter. Les Fienpoti se précipitèrent chacun sur sa pierre à côté du Portail, puis se ressourça. Les pierres brillèrent, puis les jeunes sorciers également, et au bout d’une minute ils avaient récupéré une partie de leur énergie. Soudain le Portail s’ouvrit, mais dans le même temps des soldats précédés par des mages arrivèrent, et personne dans le groupe croyait possible de triompher d’une trentaine de soldats et d’autant de mages, visiblement fraîchement arrivés du monde du Mal Suprême. Le groupe franchit le Portail sans hésiter. Ils fuyaient sans même savoir où ils allaient…

Fin de la Partie 1