vendredi 26 septembre 2008

Chapitre 15 : La Tour du Mage Rouge

Xétou était, en plus d’être le nom d’un monde, était un nom donné par l’usage au Consulat de l’Archipel des Palmiers. La situation était identique avec le Galdingan souvent désigné par l’appellation de son monde, Tropon, et du Geldingor, en Lumière. Le fait que ce soient les contrées les plus grandes et en quelque sorte le cœur de ces mondes avait entraîné cette modification de dénomination. Un autre élément intervenait, la représentation des mondes. L’Armont représentait habituellement la Magiterrae, la France la Terre avant la rupture de la Grande Alliance, le Galdingan, le Geldingor et le Consulat de l'Archipel des Palmiers leurs mondes. Cette contrée s’étendait sur quarante sept îles, dont celles de Routionasse, de Gerond et des Consuls, les plus petites du pays, et une partie de la côte ouest du continent Tropicanol. Mais en comptant les îlots, comme les seize de la cité des Dauphins Argentés, on arrivait à quatre-vingts trois îles. Les bateaux à hydrogène étaient le moyen de transport le plus répandu entre les villes, complétés par des automobiles électriques au cœur des cités. Les Trois-Îles, ville de quatre-cents mille cinq cents habitants, était réputée pour ses grandes tours, mais aussi pour son quartier dit du Continent, calme, particulièrement boisé, et semblable à un immense lotissement terrien, avec de magnifiques maisons et villas agrémentées de jardins, situées au bord de petites avenues ou rues disparaissant dans la forêt. Marco De La Châtaigneraie habitait l’une de ces villas, et proposa à Pierre d’y séjourner le temps qu’il resterait dans la capitale. Après avoir fait fabriquer une copie presque parfaite du Bâton Noir, et l’avoir substitué à l’original, et après avoir renforcé la sécurité de la Salle des Trésors d’Etat ainsi que mis au point un plan d’action, les deux ami se rendirent dans la grande maison, étant donné qu’à côté Marco n’avaient aucun dossier important à régler au Consulat. Le lendemain arriva, et la journée se passa tranquillement, jusqu’à dix-sept heures environ.

La Peur quitta le Temple du Mal Suprême, et se dirigea vers la Porte des Mondes. La Porte de Jiriond ne permettait l’accès qu’aux mondes que la Peur et le Mal Suprême dominaient depuis longtemps. Les autres mondes avaient été protégés par les Fienpoti, mais ce blocage pouvait finir par être brisé, et si l’occasion était excellente avec peu de défense, une invasion était imaginable, comme celle réalisée à Fept quelques jours auparavant. Le Portail s’ouvrit en direction de Fept, mais avant que la Peur n’ouvre la Porte des Mondes de la Ville aux Quatre Pouvoirs tout juste refermée en direction des Trois-Îles, en brisant un éventuel blocage installé par les Fienpoti ou d’autres mages, des soldats et des sorciers se précipitèrent à sa rencontre. Quelques minutes, quelques explications et quelques morts en guise de châtiment plus tard, le Sorcier Noir se téléporta à Châteauor, et découvrit que le centre-ville s’était transformé en champ de bataille. Il n’aurait peut-être pas dû informer dans tous les journaux qu’il allait conquérir Saint Dragon et les Trois-Îles avec l’aide de Kotoin. De ce fait, la population en avait profité pour tenter de repousser l’occupant. Et son serviteur incompétent n’avait été capable d’endiguer les habituelles émeutes. La situation ne fut réglée que le lendemain vers dix-neuf heures, heure à laquelle il arriva aux Trois-Îles, discrètement en se téléportant dans la forêt du Continent. Il avait cette-fois ci laissé les pleins-pouvoirs à un de ses commandants, ayant bien plus d’expérience.

Muriel descendit de ses appartements, songeant à son entretient avec les anciens Fienpoti. Il était minuit. Antoine était arrivé juste après qu’ils aient décidé de réunir les Châteaorois ainsi que les habitants des Marronniers et du Bourg des Trois Sorciers afin de mener une offensive organisée. Les précédents Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs, n’ayant plus que des pouvoirs plus « classiques » depuis treize ans déjà, allaient quand même contribuer à la lutte contre le Mal. Antoine était ensuite arrivé, et il ne leur avait fallu que quelques instants pour quitter le rêve. La Mage des Temps se promena à l’extérieur de la Tour une demi-heure, avant de remonter. Dans peu de temps les Fienpoti arriveraient, et il faudrait arriver à faire venir la Peur sans que celle-ci ne retourne la situation en sa faveur.

Les Fienpoti empruntèrent le Train Magnétique, payant à l’aide du reliquat d’argent donné par Pierre à ce qui leur semblait un an auparavant. Magior avait toutefois pensé à prendre des mendos, l’avantage d’avoir une monnaie commune entre les mondes étant de faciliter les échanges. Après être arrivé au Consulat où ils furent immédiatement reconnus, et après que Marco fut appelé, ils purent se reposer un peu, dans une salle d’attente aux sièges très confortables. Dix minutes plus tard, Marco De la Châtaigneraie sortit de l’ascenseur en compagnie de Pierre Monbikand. Le Consul s’excusa, mais il devait d’urgence se rendre au Conseil, pour statuer définitivement sur ce qu’il convenait de faire envers la Peur. L’émotion étant grande entre le maître et ses élèves. Une semaine auparavant, les aquisextains vivaient leur premier jour en Armont, et même hors de la Terre. Et aujourd’hui ils découvraient un cinquième monde. Trois mondes en cinq jours pas encore révolus. Le mage leur déclara : « Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve, alors j’ai décidé de vous donner… un cours. Peut-être sera-t-il le dernier que je vous ferais, ce que je ne souhaite pas, mais vous devez connaître des choses cruciales pour l’avenir… pour votre avenir ! Venez, nous allons dans un endroit calme ». L’ambassadeur de l’Armont les conduisit dan une salle au dixième étage prêtée par le Consul des Mages, et le cours commença, tandis que Magior les laissa, leur promettant de revenir le surlendemain, mais que, voyant les Fienpoti, entre de bonnes mains, il pouvait aller auprès des Dragonnois.
« Comme vous le savez, les Fienpoti ont les Quatre Pouvoirs des Quatre Eléments, bien évidemment le Feu, l’Eau, les Plantes et la Terre. Le Feu, en plus d’être un pouvoir influant sur cet élément, s’associe à l’énergie. L’Eau s’associe à la vie, tout se composant de cet élément, la Terre à la consistance, le corps, et les Plantes au vent, et au mouvement. Ainsi, en combinant ces pouvoirs, vous pouvez avec le Feu agir sur l’énergie d’une personne, mais aussi donner de la puissance à un sort. Avec les Plantes peuvent immobiliser, tandis que la Terre va fixer le sort en donnant de la consistance au sort. L’Eau va étendre le sort.
Vos pouvoirs se concentrent à Fept, et plus précisément dans les quatre rochers autour du Portail. Vos prédécesseurs ont voulu tuer la Peur, bien qu’elle soit immortelle, enfin presque. Et ils ont commis une erreur qui leur a été assez fatale : ils ont annihilés leurs Quatre Pouvoirs. Comment ? Ils ont utilisé plus de pouvoirs qu’ils n’en avaient à disposition, et les rochers n’ont pu répondre correctement à la demande. Ils ont concentré trop de pouvoirs venant des Éléments, et ils se sont brisés. Cela n’est guère catastrophique pour les rochers, mais ils vont se réparer en puisant de l’énergie dans les Quatre Sorciers. Or, ceux-ci ont bien évidemment empêché leur énergie vitale d’être absorbée, et ce sont leurs pouvoirs de Fienpoti qui sont partis. Surtout, n’essayez jamais d’utiliser de l’énergie que vous n’avez pas ! Jamais ! Sauf si c’est réellement la seule solution qui vous reste ! C’est pour cette raison que vos prédécesseurs ne se chargent pas de votre enseignement, car n’ayant plus de pouvoirs, ils ne peuvent vous guider dans la magie. Certes, ils pourraient vous enseigner les rudiments, mais il est de coutume que les Fienpoti soient formés par les plus puissants mages, car votre magie est d’un autre niveau que celle des élèves des collèges et lycées pour sorciers.
N’oubliez donc jamais ceci : vos pouvoirs ont des limites. Apprenez donc où se situent-elles. Et n’omettez pas de songer à votre état de fatigue et à l’énergie qui vous reste, car bien évidemment moins vous êtes fatigués, et plus d’énergie vous avez, et plus la limite sera lointaine. »
Pierre se leva, et proposa soudainement aux Fienpoti d’aller voir un immense magasin, spécialisé dans les articles magiques. Ils empruntèrent un « Tri-Tram », et lorsque le tramway s’arrêta à la station « Tour du Mage Rouge » en l’honneur de la tour de treize étages abritant un magasin du groupe du « Mage Rouge », les Quatre Sorciers se montrèrent émerveillés. Le rez-de-chaussée, tout en boiseries rouges, était l’étage des produits dits du moment, l’étage de l’accueil avec les hôtes et hôtesse tout de rouge vêtus, qui informaient et guidaient les clients, l’étage où un petit bar était mis à disposition moyennant quelques mendos, D’énormes sachets d’herbes favorisant la circulation sanguine et la diffusion de la chaleur dans toutes les parties du corps étaient disponibles sur des présentoirs rouges, agrémentés d’une petite bande jaune sur la partie inférieure des pancartes, les noms des différents rayons et produits étant eux aussi inscrits en jaune. Le Mage Rouge était un sorcier légendaire ayant voulu mettre en commun dans un premier temps toutes les herbes disponibles dans tous les pays et mondes, et permettre à tous les sorciers d’en obtenir plus facilement. On racontait que l’habit rouge de ce mage comportait des boutons de saphir, ce qui avait justifié la présence d’un peu de jaune dans une tour où le rouge dominait. D’autres magasins et boutiques appartenaient au groupement du Mage Rouge, dont une à Fept, un relativement grand à Métrolavita, un plus modeste à Châteauor, et une petite échoppe se situait dans la ville américaine de San Francisco, où la quasi-totalité des articles devaient être commandés n’étant pas disponibles sur place. Le Mage Rouge était une référence dans le monde de la Magie, et la Tour en était une presque plus importante. La Tour était le plus grand magasin du groupement, et tous les articles listés dans le catalogue étaient disponibles sur place, même s’ils pouvaient parfois n’être présents qu’en réserve. L’ambassadeur de l’Armont acquit quelques sachets d’herbes au premier étage, afin de réaliser un breuvage revivifiant pour ses élèves. Ceux-ci eurent la permission de prendre des baguettes au quatrième étage, outils qui permettaient plus facilement de concentrer un sort et de réaliser des choses précises. Véritables outils de magie sans rien avoir avec elle portant, elles étaient réalisées en bois mort, afin de ne pas avoir à couper des branches d’arbres vivants, et la diriger vers un point précis aidait le sorcier à concentrer son attention sur celui-ci. D’une longueur d’une vingtaine de centimètres, elles pouvaient êtres gravées avec les initiales du propriétaire, des dessins ou des motifs. Du bois de chêne pour fabien de l’ébène pour Alice, du tilleul pour Inès et de l’acacia pour Nedjma, tels furent les choix que firent les Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs. Après avoir pris une collation au rez-de-chaussée, ils étaient montés au second, étage des potions prêtes à l’emploi, puis au troisième ils virent des rayons entièrement consacrés aux ouvrages traitant de la magie, au quatrième ce furent des objets magiques qui les accueillirent, dont les baguettes. Au cinquième et sixième d’autres objets étaient proposés. Le septième était un étage de produits naturels pour le corps et autre, préparés à l’aide de la Magie, et des produits de l’Atelier de la Forêt de Terlatour. Des produits manquaient, car le Mage Rouge n’était plus fourni depuis que le Peur était en Armont. Peu de temps, quelques jours à peine certes s’étaient écoulés, mais une livraison était attendue au moment où le Sorcier Noir avait isolé Terlatour. Le huitième étage proposait également des produits du même type, et le neuvième ainsi que le dixième des produits en tout genres, transformant ces deux étages en véritable marché magique aux étalages aussi différents les uns que les autres. Tous les objets qui ne rentraient pas dans les autres étages étaient disposés dans les deux derniers consacrés à la partie magasin de la Tour. Les trois derniers abritant la direction du magasin, la direction du groupe, la centrale de commandes, les gestionnaires, et les responsables qui géraient au mieux les boutiques du Mage Rouge. Deux heures plus tard, le petit groupe sortit de la Tour, et se rendirent en « Tri Bus » à la station de train magnétique la plus proche, et une fois arrivés sur le continent ils reprisent un bus en direction de la villa de Marco. Au même moment la Peur s’occupait d’endiguer l’émeute, et les anciens Fienpoti allaient parler à Muriel.

Le blizzard se calma sur Alider, et les habitants de la « Grandiose » purent se promener sur le blanc manteau qui couvrait intégralement la capitale. Marine et Louis sortirent se promener, tandis que Charles se rendit à la bibliothèque, où Julien était occupé à endiguer la foule venue restituer des ouvrages, chose que le blizzard les avaient empêché de faire la veille. Le prince de l’Armont offrit son aide au jeune bibliothécaire, qui eut grand mal à refuser cette aide précieuse. Ses trois assistants étaient eux-aussi bien occupés, que ce soit à réceptionner les livres restitués, à prendre note de nouveaux emprunts, renseigner les lecteurs avides, préparer les commandes de prêts de bibliothèques dans tout le pays. Charles accompagna Julien une fois qu’il y eut moins de monde désireux de rendre les ouvrages empruntés dans son bureau. Ils parlèrent un peu de littérature, du blizzard durant la nuit et la majeure partie de la journée suivante, puis de l’amour grandissant entre sa sœur et Louis Nollio. Julien devenait peu à peu le confident du jeune Charles, qui n’était pas aussi heureux qu’il le paraissait… Quelques jours seulement s’étaient écoulés et déjà le jeune bibliothécaire sentait que le Prince de l’Armont et lui-même pouvaient tisser des liens d’amitié. La différence d’âge, importante lorsqu’on a vécu tout au plus le quart d’un siècle, n’était que futilité en réalité, et quelques années d’écart ne parut ni pour le bibliothécaire ni pour le prince de l’Armont un obstacle insurmontable.

Nathan regarda les Fées et Elfes blessés être ramenés depuis Saint Dragon jusqu’au Temple de la Forêt Ancestrale, et espéra vivement que les Fienpoti, ses amis, arrivent au bout de leur quête, obtiennent tous les Grands Trésors, aillent à Heucalia et triomphe du Sorcier Noir. L’apprenti-mage devait dès le lendemain retourner à la Cité aux Fées, reprendre les petits cours de magie qui lui étaient enseignés. Mais le jeune Sourçois désirait retrouver ses parents, ainsi que bien évidemment ceux des jeunes villageois qui étaient venu avec lui et les Quatre Sorciers lors de leur fuite de la Source aux Quatre Fleuves. Ses parents étaient-ils toujours à Oyan, désormais obligés d’obéir à la Peur, ou participant aux révoltes ?