samedi 13 septembre 2008

Chapitre 13 : La forêt vue du ciel

Hélène réunissait en frappant des mains les dragons que Georges avait fait venir sur la place, tandis que les selles étaient apportées par un Dragonnois depuis une dragonnerie, qui était l’équivalent d’une écurie où les dragons pouvaient loger et où des affaires étaient stockées. Les dragons valides furent regroupés, et ceux les plus aptes à transporter des humains furent sélectionnés. Ils avaient beau être somme toute petits, transporter un humain était faisable pour eux, sur une cinquantaine de kilomètre maximum. Au-delà, un repos d’une demi-heure s’imposait, mais la vitesse de vol était d’une centaine de kilomètres par heure. Les deux Conseillers du Peuple Magique avaient durant l’attente des selles proposé à Hélène et aux Fienpoti de les téléporter à la Colline-aux-chats, mais la princesse avait décliné en expliquant que Magior n’y n’était pas encore arrivé. En effet, il était parti peu avant onze heures, quelques minutes avant l’arrivée de Kotoin, or il fallait deux heures trente pour rallier cette ville, et douze heures trente allaient bientôt sonner seulement. La position de Magior sur la route était plus qu’imprécise, et le survol de la forêt était la méthode la plus pratique afin de le retrouver. La préparation des dragons fut achevée, et chacun des Fienpoti monta sur un des dragons choisis, ainsi qu’Hélène, et s’attachèrent à l’aide d’une corde à la merveilleuse créature volante, afin d’empêcher toute chute. Les dragons s’élevèrent doucement, puis commencèrent à se déplacer horizontalement. Le groupe volant se situait juste au-dessus de la cime des gigantesques arbres. La cité dans les arbres défila, et l’étendue des désastres se révéla à Hélène Dudragon, dont le regard triste observait les maisons à demi-détruites par les flammes en train de disparaître sous la pluie qui devenait de plus en plus forte, et elle aperçu des corps allongés entourés par des dragonnois. Des dragons agonisaient, et les chats perchés au-sommet des arbres semblaient eux-aussi abattus. L’un d’entre eux croisa le regard de la princesse, puis regarda de nouveau vers ce qu’il pouvait voir du sol. Les dragons frôlaient les feuilles, mais continuaient imperturbables leur vol. Ils suivaient celui conduit par Hélène, qui, une fois Saint Dragon laissé derrière eux, fixa l’horizon, et semblait hors du temps. Une route était visible sous la cime des arbres. C’était cette route qu’ils suivaient. Au fur et à mesure qu’ils progressaient, la pluie disparut, et le soleil apparut. Un village fut visible dans une petite clairière, lui aussi bâti entre le sol et les arbres, et disparu du champ de vision des Quatre sorciers peu de temps après. Tropon était un monde paisible, et cela se ressentait quand on observait ces vertes contrées. La route au sol continuait imperturbablement de traverser la forêt, les clairières, les villages, les rivières qu’elle enjambait par l’intermédiaire de ponts en pierres. Cela faisait au moins trois quart d’heures qu’ils voyageaient dans les airs, perdus dans leurs pensées et dans l’admiration du paysage lorsque les dragons commencèrent à montrer des signes de fatigue. Hélène commençait à diriger son dragon vers une clairière bordée par la route lorsqu’elle vira soudainement afin de faire demi-tour, et les Fienpoti aperçurent un homme à cheval. Ce n’était pas le premier qu’ils apercevaient, mais il était le seul qui se dirigeait vers la Colline-aux-chats, hormis quelques coches et carrioles. Ils atterrirent à une centaine de mètres devant lui, et se détachèrent. Le groupe mit pied à terre, et s’avança au-devant du cavalier qu’Hélène déclara bien être Magior, l’un des Treize Mages des Temps. Il s’arrêta au niveau d’Hélène, et descendit calmement. Le sorcier reconnu immédiatement les Quatre Sorciers, et inclina légèrement la tête. Il parla tout en souriant, visiblement enchanté de les rencontrer. Qui ne le serait pas, après tout ? « Mais vous êtes les Fienpoti ? Je suis ravi de vous rencontrer. Je suppose que vous êtes venu pour récupérer le Cristal Eternel ? Hélène, je suis désolé pour que ce j’ai pu vouloir faire ce matin. J’ai du mal à réaliser que tu n’est plus une enfant, mais une Princesse qui gouverne Tropon. Tu as bien fait de venir me chercher en dragon. J’aurais dû te prévenir, mais j’ai pensé préférable de te laisser tranquille un peu. Et puis, je m’attendais à voir les Fienpoti arriver demain ! J’aurais été rentré pour ce soir, même tard. Alors, racontez-moi un peu ce qu’il se passe précisément.
- Kotoin, un serviteur de la Peur, a envahit la cité, dit de manière directe Hélène.
- Comment ! Mais j’avais placé un mage pour verrouiller le Portail, de manière solide !
- Je crains que vous n’ayez sous-estimé la puissance des mages servant le Mal Suprême et le Sorcier Noir. Et il n’avait visiblement pas fini de bloquer le Portail. Cela s’est passé quelques minutes seulement après que vous ayez quitté la Cité, et la forêt étouffe les bruits…
- Et nous sommes arrivés du Temple de la Forêt Ancestrale à ce moment-là, compléta Alice. Heureusement que nous avons eu le Peuple Magique pour nous aider ! Et nous avons neutralisé Kotoin, et ses subordonnés qui n’ont pas été vaincus se sont enfuis par le Portail. D’ailleurs, je pensais qu’il était resté sur le Temple de la forêt Ancestrale, mais les Fées et les elfes l’ont probablement refermé pour empêcher qu’ils aillent chez eux. Enfin, tout a été assez confus.
- Nous sommes venus à votre rencontre pour deux raisons, ajouta Inès. Tout d’abord, nous avons besoin des Grands Trésors afin que nous puissions ouvrir en toute sécurité un portail vers Heucalia où Muriel De Potel pourra nous aider à triompher définitivement du sorcier Noir et mettre fin à plus de deux millénaires de sévices. Or Hélène Dudragon ne connait pas le moyen pour obtenir le Cristal Eternel.
- Je vais bien évidemment vous le confier, répondit le Mage des Temps. Et j’étais, comme vous vous en doutez, au courant de tout cela par l’intermédiaire d’un rêve où j’ai eu une grande conversation avec Muriel de Potel, elle aussi Mage des Temps, bien qu’elle n’ait pu vous l’expliquer car le danger que cet Antoine rapporte toutes nos conversations était trop grand. Elle m’a précisé quelle vous avais parlé de moi comme étant l’un des treize, sans doute espérant qu’Antoine ne comprendrait pas, même s’il était probable qu’il rapporte tout au Mal Suprême… enfin, vous comprendrez, j’espère, qu’elle n’ait pu parler clairement. Pour pallier à cela, nous avons optés pour des siestes l’après-midi. Et Antoine n’y a pas pensé, et va continuer à guetter la nuit ! Et Muriel m’a également demandé de commencer à vous enseigner à créer vous-même des rêves, et à vous en expliquer le fonctionnement.
- Merci beaucoup, fit la Fienpoti du Feu. Et nous avons également une seconde chose à vous dire, même si vous avez déjà un peu répondu : Muriel nous avait dit de venir vous voir afin que vous nous aidiez dans notre quête.
- Et je vais désormais vous accompagner ! Je vous aiderais avec plaisir !
Il fut décidé qu’Hélène rentrerait avec le cheval de Magior, tandis que celui-ci prendrait le dragon de la Princesse. Afin d’écourter la pause nécessaire aux créatures, les Quatre Sorciers ainsi que Magior prirent place sur leurs dragons, et s’envolèrent doucement vers les cieux. Hélène les regarda partir, et se mit en route vers Saint Dragon. Le cheval à la robe noire s’élança, et la petite clairière où ils avaient atterrit disparut derrière la Princesse de Tropon.

Pierre Monbikand songeait aux erreurs commises par la Peur. Si elle ne l’avait pas bêtement laissé à la Cité aux Fées, elle aurait toujours un otage important aux yeux des Fienpoti, et de bien d’autres personnes. Mais elle l’avait laissé. Le Portail se referma derrière l’ambassadeur de l’Armont, qui espéra que les Fienpoti, qui devaient être actuellement en Lumière, et sans doute en route pour le Temple de la Forêt Ancestrale, ne rencontreraient pas de difficultés majeures. Ce que Pierre ne savait pas, c’est que les Quatre Sorciers étaient en avance, et que tout comme Magior il les verrait venir plus tôt. Pierre était aux Trois-Îles afin d’aider ses élèves : il allait protéger le Bâton Noir, le Grand Trésor de ce monde. L’astre solaire s’élevait doucement dans les cieux, annonçant que la journée commençait à peine. Dans deux jours, quatre des Cinq Grands Trésors seraient réunis. Du mois, il fallait l’espérer. Après avoir quitté la petite place où la Porte des Mondes se situait, place où des bancs étaient placés afin de permettre aux voyageurs de patienter, et après avoir regardé un instant une famille de mages composé par un jeune garçon, sa sœur et ses parents, Pierre se dirigea vers la station de train magnétique dont le terminus nord était à proximité du portail. Une rame se présenta une minute après que le sorcier eut acquis un titre journalier à l’un des distributeurs automatiques. Pierre s’assit dans le train quasiment vide à cette heure matinale, et regarda la ville défiler sous ses yeux. Le train magnétique, appelé aux Trois-Îles « Tri-Train », traversa l’île de Routionasse, puis celle de Gérond, le quartier nommé « Le Continent » par sa situation géographique, puis arriva sur l’île des Consuls. Le pont du même nom venait d’être franchit lorsque le train magnétique commença à ralentir doucement, puis s’arrêta sans bruit quelques centaines de mètres plus loin à la station du Consulat. Une fois descendu, Pierre s’orienta vers le siège du gouvernement. Le vaste hall d’entrée était presque vide, mais déjà des bureaucrates se dirigeaient vers les ascenseurs qui les emmenaient dans les lointains étages supérieurs. Dans ce monde moderne, cinquante étages n’était pas aussi rare que l’on pourrait le penser, même si la moyenne était plutôt de vingt. Un petit jardin extérieur où de petits palmiers poussaient à côté de figuiers de Barbarie rendait le hall très accueillant. Le décor, tout de verre et de métal, était familier aux yeux de l’ambassadeur déjà venu à cinq reprise dans le cadre de visites officielles. Et bien plus souvent encore à titre personnel. Il attendit que la première standardiste s’installe, puis lui demanda si le Consul Marco De La Châtaigneraie était présent. Heureusement, le consul était arrivé plus tôt que d’ordinaire afin de régler un dossier devant être présenté au Conseil en fin d’après-midi. Il se fit annoncer, en précisant que c’était urgent, et que cela concernait les cinq Mondes. La standardiste, comprenant l’importance de l’affaire, contacta directement le consul qui annonça descendre lui-même afin d’aller à la rencontre de Pierre Monbikand.

Magior conduisait le groupe au-dessus de la forêt, tout en regardant la forêt s’étendant à ses pieds. Un temple apparut dans une clairière, que les Fienpoti n’avaient pas remarqué à l’aller. Une étrange aura émanait de ce lieu, mais elle était indéfinissable. Le feuillage des arbres immenses continuaient de verdir l’horizon, qui se bleuit lorsque Magior fit descendre son dragon en direction de Saint Dragon qui apparaissait. L’Arbre de Toujours, devant lequel ils se posèrent, allait révéler son secret… Comment obtenir le Grand Trésor confié à cet arbre ?