mardi 30 décembre 2008

Chapitre 18 : La première Réunion de la Tour

Alider s’éveilla sous la neige. Contrairement à la semaine précédente, aucun vent de soufflait sur la capitale. Les habitants de la cité sortaient en famille se divertir avec la neige, car c’était un Dimanche. Cela faisait déjà six jours que Firion Nollio avait reçu en début de matinée la lettre de Pierre, et il s’apprêtait à partir à Terlatour afin d’assister à la réunion organisée par l’ambassadeur de l’Armont et maître des Fienpoti. Jacques Rigalor était parti depuis six jours également en Armont pour remettre de l’ordre dans le pays qui avait subi l’invasion de l’armée de la Peur. Sa femme et ses deux enfants étaient restés et devaient rentrer avec Firion Nollio, afin de profiter un peu de la quiétude qui régnait en Lumière. La reine de la Lumière restait à Alider afin d’assurer le bon fonctionnement des administrations et avancer certains projets. Le Roi de l’Armont avait jugé que sa famille avait suffisamment subi les méfaits du sorcier Noir. A dix heures le coche de la famille Nollio quitta la petite cour où elle les avaient attendu prête depuis la veille, traversa la cité puis s’élança sur la route reliant la Grandiose au Portail. Marine et Louis se tenaient côte à côte, se tenant la main. La reine de l’Armont et Firion Nollio sourirent de voir leurs enfants respectifs amoureux. Charles se tenait sur le troisième banc moelleux, faisant face à sa sœur. Les adultes faisaient face à l’unique porte située du côté droit en regardant vers l’avant. Cela permettait d’offrir sept places assises, sans compter le sol recouvert de tapis et de coussins où tous finirent par s’asseoir peu après. Le prince de l’Armont se remémora les dernières paroles de Julien : « L’amour arrivera bien plus vite que tu ne peux l’envisager. Le jour où tu songeras à autre chose, il surviendra sans que tu n’y entendes quoi que ce soit. Bon retour, et pense à m’envoyer la première lettre de notre correspondance. ». Mais le jeune Armonois se sentait bien seul, et se demandait si Julien avait raison. Ce qu’il ne savait pas, c’est que le bibliothécaire de la Bibliothèque Royale d’Alider ne se trompait pas. L’amour de Charles l’attendait dans un autre monde, qui lui était inconnu… Les paysages continuèrent de défiler paisiblement, immense tapisserie brodée depuis des millénaires.

Jenny rejoignit Muriel dans la grotte souterraine après avoir longé la rivière. Voilà six jours qu’elle voyait quotidiennement la sorcière de la Tour Sacrée d’Heucalia, qui lui avait confirmé la veille qu’elle était bien une Mage des Temps en devenir. La jeune Heucalienne avait faillit s’évanouir sous l’émotion. Et une semaine en arrière Muriel de Potel lui confiait ses soupçons plus proches d’une certitude que d’une simple conjecture. Le premier rêve de Jenny avait eu lieu la nuit qui venait juste de disparaître au-delà des montagnes ceignant la plaine des Esprits. Elle avait parlé durant une minute avec Muriel avant de basculer dans un rêve « normal », mais c’était un début prometteur. Une nouvelle Mage des Temps était « née »… Et les Fienpoti devaient arriver sous peu, et avec l’aide des Mages des Temps et des représentants des Cinq Mondes tisseraient une nouvelle Alliance… Tant d’espoir, mais aussi des inquiétudes rongeaient Muriel. Tout pouvait échouer, et alors le Sorcier Noir et le Mal suprême auraient accès à Heucalia sans rien pouvoir y faire. Ce monde ne serait plus qu’une annexe de Jiriond, et même de la cité de Calor…

Le portail de Terlatour s’ouvrit, et laissa passer le roi Jacques Rigalor. Pierre l’accueillit avec les Quatre Sorciers aux quatre Pouvoirs. Ils patientaient depuis une demi-heure en discutant avec des Terlatourois passant par la petite clairière et place principale du hameau. Cinq minutes après l’arrivée du roi arrivèrent Hélène Dudragon et Magior, suivis une demi-heure plus tard par la famille Rigalor, et dix minutes plus tard Marco De la Châtaigneraie. Le second Consul était resté aux Trois-Îles. Marco et Magior, après deux jours de repos à Terlatour étaient repartis dans leurs mondes poursuivre leurs tâches jusqu’au jour de la réunion. Après les embrassades et autres échanges de nouvelles, le groupe se dirigea vers la Tour en empruntant le « boulevard » circulaire. Pierre avait avec l’aide de ses quatre élèves transformé la vaste bibliothèque en salle de réunion conviviale. Les personnes présentes prirent places à leur guise, et l’ambassadeur de l’Armont attendit que tous fussent assis pour commencer. « Comme vous le savez, nous avons les cinq Grands Trésors, et nous pouvons de ce fait rejoindre Heucalia par le portail de Fept. Toutefois, comme vous le savez également, ouvrir le portail de la ville des Quatre Pouvoirs est dangereux, car le Mal suprême et la Peur n’attendent que cela pour sans aucun doute revenir de force en Armont, et de là passer dans le monde d’Heucalia. La solution de laisser en permanence la Porte des Mondes ouvertes est impossible, et quand bien même nos ennemis pourraient passer par un autre Portail en Magiterrae et finir par arriver en Armont. Et je me doute qu’ils ont des espions quelque part.
- Excuse-moi, Pierre, l’interrompit Hélène, mais où veux-tu en venir précisément ? Que devons-nous faire ?
- Je pense qu’il faudra ouvrir le Portail au dernier moment, fit Pierre, c’est-à-dire lorsqu’on sera prêts à faire venir le Sorcier Noir à Heucalia et le défaire là-bas. Seulement, il y a un léger problème, comme vous vous en doutez.
- La Terre, déclara Marco.
- Exactement ! s’exclama l’ambassadeur. Il faut que l’Alliance soit sincère, et même si je ne doute pas, tout comme mes confrères Mages des Temps, que vous soyez prêts, je crains que la Terre qui a perdu la connaissance des autres mondes et de la Magie depuis plus de deux millénaires, ait quelque peu de mal à nous rallier. Il faudra leur montrer qu’il est dans leurs intérêts d’agir avec nous, et pour cela il faudrait qu’ils réalisent le danger d’une chose dont ils ignorent encore maintenant l’existence. L’un des défauts qu’ont les Terriens, mais nous en avons également, est qu’il faut que le danger commence à frapper pour qu’ils réalisent le risque. Mais je ne dis pas qu’il faut faire venir la Peur ici.
- Et faire venir des habitants des autres mondes ici, et vice-versa ? questionna Fabien. Cela pourrait déjà aider…
- En effet, acquiesça Firion Nollio. Je pense que c’est une idée à appliquer. Mais que faire d’autre ? et à qui s’adresser ? Pierre, les Fienpoti : à qu’en pensez-vous ?
- Le président des Etats-Unis, répondit Alice, est l’un des plus influents dans ce monde. Mais il est très peu accessible, encore moins que la plupart de ses confrères dans d’autres pays.
- Et celui de la France est bien plus accessible, mais bien moins influent, ajouta Nedjma.
- Et demander à celui de la France de s’adresser à celui des Etats-Unis est impensable, dit Inès.
- Peut-être pas, démentit Pierre. Si on arrive à vraiment convaincre le premier, je pense que le second devrait l’être sans trop de difficultés. En montrant tous les avantages qu’ils gagneraient en s’alliant avec nous… Mais cela ne sera pas aisé, et je demande donc à l’ensemble des personnes réunies ici si elles peuvent toutes venir voir en personne les personnes que nous devrons voir ?
- Bien sûr, affirmèrent-ils tous. »
La conversation se poursuivit, et s’orienta sur la question de savoir comment pouvoir parler au président de la France et annoncer l’existence de la Magie et des autres mondes. Le soleil traversa le ciel, et alors qu’il se couchait vers dix-huit heures, la solution choisie fut surprenante : aller à l’improviste.

Jassifiadine et Blimont quittèrent le château de Châteauor tandis que Jacques Rigalor prenait un train en direction de Fept pour aller à la réunion organisée par Pierre Monbikand. Ils se téléportèrent et arrivèrent dans le Palais de la Cité aux Fées. Le vent agitait paisiblement les rares feuilles de la multitude d’arbres composant la Forêt aux Fées, vent hivernal inlassable, infatigable. Le Peuple Magique avait été averti de ce que Pierre Monbikand préparait pour vaincre, et le soutenaient, mais avaient immédiatement prévenus que les Humains avait été uniques responsables de la rupture de l’Alliance des cinq Mondes, et donc qu’ils devaient par eux-mêmes la refaire. Les fées et Elfes étant prêts à les aider s’ils étaient sincères. Il fallait espérer que les Terriens soient capables de se réunir comme les Gnomes ou bien le Peuple Magique l’étaient…

Pierre se promena dans le hameau, et arriva devant le bâtiment principal. Il apposa devant l'affichage municipal une annonce de travaux sur l'allée circulaire, le sentier ayant d profondes ornières à de multiples endroits. Il croisa les Fienpoti en compagnie de Coralie, Marine, Charles et Thierry. Les huit adolescents suivirent un sentier allant vers l'extérieur du hameau. Il serpentait à travers les arbres, et descendait peu à peu, longeant en contrebas l'allée circulaire sur une dizaine de mètres, passa devant deux maisons puis arriva dans le petit jardin floral de Terlatour. Au bout de ce jardin, contre la haie séparant le hameau du reste de la Terre se trouvaient deux bancs, permettant aux amis de s'asseoir et de profiter de la lumière du crépuscule filtrant à travers les branches dénudées ou les aiguilles des pins. Les Quatre Sorciers se remémorèrent ces promenades avec Pierre et leurs amis Terlatourois un mois auparavant encore, après une après-midi d'entraînement et une matinée de théorie. Dire que la Terre ignorante de la Magie et des autres mondes se trouvait à quelques centimètres d'eux. Une famille avec deux enfants se promenaient, et avançaient vers la haie. Alice invita tous les adolescents à regarder, et ils virent cette famille entrer en contact avec la barrière de verdure avant de disparaître. Sans le savoir, ils étaient apparus de l'autre côté de Terlatour, à plus de cinq cents mètres de là. Cette magie très puissante ne serait pas ôtée, avait promis Pierre lors de la réunion. Le hameau de Terlatour ne devait pas devenir un lieu de passage très fréquenté vers d'autres mondes, et conserver son caractère de lieu paisible. Lorsque la Terre aurait renoué des liens avec les autres mondes, une Porte des Mondes serait commandée à la Manufacture des Gnomes et serait installée à un endroit propice à une forte affluence de voyageurs, à Paris ou à Aix en Provence. Au même moment, l'ambassadeur de l'Armont rentra dans la Tour, où il invita les membres de la réunion à aller à la petite auberge du hameau. Il ne put s'empêcher de partager ses propres inquiétudes : au vu de la mentalité et du comportement des terriens, espérer de l'aide était-il utopique ? Fallait-il s'attendre à devoir affronter leur soif de pouvoir en plus de celle de la Peur ?