lundi 16 mars 2009

Chapitre 21 : La Sorcière de la Tour Sacrée

Muriel de Potel serra les Quatre Sorciers dans ses bras tellement elle était heureuse de les rencontrer hors des rêves, puis elle fit de même avec les Mages des Temps et les rois et reines qu’elle connaissait. Elle salua les terriens, et s’inclina devant Jassifiadine et Blimont qui étaient également présents. Jenny se tenait à côté de son professeur et regardait tour à tour les arrivants. Son regard s’attarda toutefois longuement sur Charles, mais il ne s’en aperçut pas. Elle sourit sans s’en rendre compte. Des Heucaliens entouraient la Porte des Mondes, redécouvrant des personnes qui étaient venues pour la dernière fois à Magilia treize ans auparavant, mais aussi les Fienpoti qu’ils voyaient pour la première fois, ainsi que les représentants des habitants du monde de la Terre. Ces derniers regardaient avec encore plus de curiosité que les autres arrivants tout ce qui les entouraient, les Heucaliens, la Tour visible derrière eux au loin, les bosquets et petits bois disséminés dans la plaine qui s’étendait devant eux. Les aquisextains étaient eux aussi émerveillés. La Sorcière de la Tour les invita à bord des coches qui attendaient à proximité du lieu d’arrivée afin de les conduire à Magilia-la-Cité puis à la tour. Dix minutes s’écoulèrent avant d’arriver dans le plus grand village de cette contrée d’Heucalia, et les passagers savouraient les magnifiques paysages verts tout en parlant avec la Mage des Temps accompagnée Jenny. Les Fienpoti discutaient paisiblement : « Tout est comme dans les rêves. Exactement pareil… fit remarquer Nedjma
- En effet, acquiesça Muriel. Il est plus facile de représenter la réalité dans un rêve que de créer un univers.
- Ce qui est logique, finalement ! dit Alice en riant.
- Regardez, nous arrivons à Magilia-la-Cité, qui est bien plus grande que Latala et Médogun que nous avons traversé il y a quelques minutes, fit la Mage des Temps. C’est le cœur de cette contrée. Mais nous nous y rendrons ce soir, car je vais d’abord vous emmener à la Tour puis au lac souterrain, un des lieux où les esprits et génies ont tendance à sommeiller. Ce monde tire sa magie de ces présences bienveillantes qui y habitent. Mais avec tout cela, j’omettais de vous dire qui est cette charmante jeune fille qui m’accompagne : c’est Jenny, et j’ai découvert il y a quelques jours seulement qu’elle était une Mage des Temps en devenir !
- J’ai encore du mal à y croire, confia la jeune passagère. Il y a un mois, je me contentais de suivre des cours de Magie traditionnels, et là je découvre que je fais partie des treize Mages des Temps ! Et je découvre également que je peux communiquer d’une certaine manière avec les animaux. Cela fait tellement de choses en peu de temps !
- Tu verras, fit Inès, même si tu as du mal à te servir de tes pouvoirs au début tu apprendras plus vite que tu ne pourrais le croire. »

Magilia-la-Cité était une petite ville fort jolie, avec des maisons de couleur ocre encadrant la route. Celle-ci en croisa une autre au centre de la cité, où l’on trouvait les centres de vie, avec des échoppes, la maison communale, et le convoi de coches fut salué par les habitants qi ne s’étaient pas rendus devant le Portail à leur arrivée. Derrière le coche avec Muriel, Jenny et les Fienpoti venait celui avec les deux Consuls de Xétou, Pierre, Florian Legros, Hélène Dudragon, Jassifiadine et Blimont. Le suivant transportait les familles Nollio et Rigalor, puis ceux d’après les anciens Fienpoti qui voyageaient paisiblement, redécouvrant ces paysages qu’ils n’avaient plus vus depuis plus de treize ans. Les bâtisses se succédaient espacées par des jardins ou des rues, et les différents coches attelés par de beaux chevaux alezans continuaient de susciter l’intérêt. Les dernières maisons de Magilia furent dépassées en dix minutes, puis il y eut cinq minutes de trajet dans les vertes plaines tandis que des petites montagnes se rapprochaient d’eux, et que la tour devenait de plus en plus imposante. Muriel souriait doucement, regardant la Grande-Plaine si familière, ayant donnée son nom à un hameau à proximité de la Tour Sacrée. La route, qui arrivait en face de l’entrée principale de la Tour, tournait vers le village, mais les coches continuèrent tout droit, empruntant un large chemin aboutissant dans une vaste cour. Les passagers descendirent tous, et se réunirent devant le perron. Muriel leur souhaita de nouveau la bienvenue, et fut rejointe par des personnes sorties par la grande porte. Elle était exactement comme dans les rêves, avec l’immense « H » ressortant des deux battants de bois aux multiples arabesques. Ils furent tous conviés à visiter les principaux lieux dans la Tour, et les anciens Fienpoti racontèrent des souvenirs à leurs successeurs. « Regardez, dit Amélie, c’est ici que j’ai atterrit lors de ma première téléportation depuis le somme. C’était... il y a longtemps ! Et j’adore le Bois-Vert, qui te plaira aussi, Fabien. Quel Fienpoti de la Flore n’aimerait pas aller dans une forêt ?
- Et regardez, fit Gérard, cette salle à votre droite est celle où nous avons rencontré Muriel pour la première fois !
- Je m’en souviens comme si c’était hier, confirma Muriel. Vous aviez seize ans si je ne m’abuse. Vous étiez si timides devant un Mage des Temps ayant alors le double de votre âge !
- Vous avez dans les soixante-dix ans ? interrogea Alice. Enfin, c’est juste que… enfin… vous ne les faîtes pas…
- Oui, soixante-treize ans, et j’en fais quarante. C’est l’une des particularités des Mages des Temps. Le temps ne semble pas avoir de prise réelle sur nous…
Elle sourit, puis désigna une salle sur leur gauche comme étant l’une des salles d’études de la Magie. La Tour Sacrée était une école, une bibliothèque, un lieu de résidence, un atelier magique, un temple… Une heure après ils arrivaient dans les appartements de la Sorcière de la Tour, qui les invita à se rendre à l’extérieur, au sommet de la tour, au-dessus de chez-elle. Comme dans les rêves, il était possible d’admirer la vaste étendue de Magilia, et on apercevait Magilia-la-Cité, l’Onde serpentant et finissant au loin par être rejointe par la Pitoliane*. Le Lac pouvait être visible, un peu caché par les montagnes cotre lesquelles la Tour avait été dressée. Les vertes plaines, parfois légèrement vallonnées ou ornées de collines verdoyantes, s’étendaient jusqu’aux Montagnettes, au-delà du Portail, du Bois-Vert et de Tamarion. La contrée était si belle, si reposante, si inspiratrice que le groupe qui envahissait toute la surface au sommet se turent, se perdant dans la contemplation. Des minutes s’écoulèrent sans que personne ne murmurât quoi que ce soit. Muriel, qui pourtant connaissait si bien les terres s’étendant à perte de vue, fut absorbée par l’admiration de la contrée qu’elle gouvernait, même si en réalité son rôle ressemblait davantage à celui d’un maire. Elle invita doucement le groupe à se rendre dans la salle de réception au rez-de-chaussée, et ils descendirent tous l’escalier en colimaçon. Un immense buffet avait été préparé pour une collation avant de rejoindre Magilia-la-Cité pour la soirée de prévue. Tous étaient joyeux, le spectre de la Peur paraissant alors bien éloigné, même si au contraire il se rapprochait et préparait sa venue pendant ce temps-là à Calor. Le Sorcier des Ténèbres n’avait pas encore eu connaissance de l’ouverture du Portail de Fept vers Heucalia, mais cela n’était qu’une question d’heures… Tout semblait si paisible, comme une simple promenade festive… alors que le sort des Cinq Mondes devait se jouer peu après… Il restait du temps, alors Jenny entraîna les Fienpoti, Charles et Marine Rigalor ainsi que Firion Nollio et Nathan en direction des Archives visitées précédemment, puis les invita à courir jusqu’à la porte donnant dans les galeries, et de là jusqu’au lac souterrain. Dix minutes s’étaient écoulées, mais le temps semblait passer sans avoir de réelle prise sur les adolescents… La galerie était éclairée par une lumière magique provenant des parois et de l’eau, tout comme le lac et ses rives. De l’autre côté, un escalier montait en direction de la surface bien à l’extérieur de la Tour Sacrée, permettant en marchant un peu d’accéder au Lac. Tandis que le groupe marchait le long de la rive, le regard de Charles et celui de Jenny se croisèrent, et ils ne purent s’empêcher de sourire. Le doux bruit de l’eau et la lumière bleutée régnant en ces lieux ajoutait du charme dans cette grotte. On sentait une certaine Magie régner en ces lieux, une Magie puissante mais bienfaisante. Elle semblait résider dans les eaux bleues du Lac Souterrain, paisiblement. Le doux silence des lieux était reposant, facilitant la réflexion. Les adolescents regardaient l’onde, songeant à tout ce qu’ils avaient traversés, mais aussi au moment présent, dans la belle contrée de Magilia. Charles et Jenny se regardèrent de nouveau, et le prince de l’Armont prit véritablement conscience que la future Mage des Temps paraissait éprouver quelques sentiments pour lui. Des bribes de voix se firent entendre, et Muriel arriva dans la vaste grotte, suivie par les autres membres du groupe, mais ils eurent la surprise de découvrir Elmardie et Ullior Formions, et les Fienpoti ainsi que Nathan se précipitèrent vers eux. Revoir des connaissances faisait tellement plaisir, et rassurait également ! Tout semblait aller pour le mieux, entourés par leurs amis, les représentants des Cinq Mondes, des Mages des Temps confirmés ou en devenir, des Elfes et des Fées ! Affronter la Peur dans ces conditions leur faisait moins peur, et leur donnait des raisons supplémentaires de « refaire ce qui a été défait ». Pierre passa à proximité de Nathan, et sentit cette sensation qu’il avait également eu plus tôt, à Fept, avant l’ouverture du Portail. Cet adolescent avait quelque chose de particulier. Il en parla à Muriel qui tourna la tête afin de l’observer, puis demanda à Magior de venir. Il regarda lui aussi le Sourçois, puis les trois Mages des Temps entamèrent une conversation, l’un des trois regardant parfois l’Armonois. Durant ce temps, les jeunes mages échangeaient des nouvelles avec les deux jeunes membres du Peuple Magique. Les Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs contèrent leurs aventures brièvement, enchantant Elmardie et Ullior qui écoutaient le récit les derniers moments selon le point de vue de leurs amis… Tous commencèrent à emprunter la galerie afin de revenir à la surface. Ils longèrent la rivière souterraine, et empruntèrent la première porte qu’ils rencontrèrent, laissant l’eau poursuivre seule sa route jusqu’à ce qu’elle jaillisse et rejoigne la Pitoliane. Les coches les attendaient dans la cours, et ils montèrent de nouveau à l’intérieur, puis se laissèrent conduire jusqu’à Magilia-la-Cité. Peu à peu l’astre solaire se dirigea vers les Montagnettes jusqu’à disparaître de l’autre côté, tandis que les réjouissances se déroulaient paisiblement… Minuit était passé lorsqu’ils rejoignirent leurs appartements, répartis entre la cité et ses auberges et la Tour. Les Fienpoti, Nathan, Elmardie, Ullior, Charles, Marine et Louis rentrèrent avec Muriel, répartis entre deux coches, afin de permettre aux amis de rester ensemble. Le retour pour la nuit à Terlatour avait été exclu, car Heucalia allait être le lieu où tout se jouerait, et il fallait tout préparer dès le lendemain. Personne ne s’en doutait, mais commencer à préparer l’arrivée du Mage Noir le surlendemain aurait marqué leur perte certaine…

Le Sorcier Noir relisait une fois de plus le message qu’on lui avait transmis. Heucalia était enfin accessible depuis Fept. Enfin… Il n’avait fallu que seize heures pour que la nouvelle de l’ouverture de la Porte des Mondes par les aquisextains ne lui soit annoncée. Un délai très court, quand on savait que l’espion en Armont avait dû faire passer ce message dans un monde, puis qu’il était arrivé dans un autre, puis depuis le troisième monde il était arrivé à Calor. Il était trop tard pour envisager d’attaquer dès le jour levé. Le jour suivant verrait un grand triomphe… Il sourit à cette pensée qui lui était douce. Il regarda partir du temple, depuis les fenêtres de son logement, le messager avertir Antoine afin qu’il accélère l’armement de l’armée, et l’organise dès l’aube… Elle serait ainsi prête à temps.

Muriel monta au sommet de la tour alors que le soleil ne faisait que rougir l’est. Elle sentit la brise soulever délicatement ses cheveux, et elle songea aux évènements à venir. Elle était très inquiète. Le Mal Suprême et la Peur allait certainement les surprendre, que ce soit en nombre ou par la stratégie. En avoir conscience aidait, certes, mais ne permettait que de ne pas sous-estimer l’adversaire. En aucun cas elle ne savait réellement comment faire pour gagner la bataille qui s’annoncer. Elle n’oserait guère l’annoncer à ses amis, mais l’improvisation était leur seul salut. Il fallait déterminer précisément que faire du Sorcier des Ténèbres, mais contre l’armée en elle-même rien n’était prévisible… Mais c’était le seul moyen de vaincre enfin le plus puissant serviteur du Mal Suprême. Heucalia, son lieu d’apparition, était le seul endroit où il pouvait disparaître. Le seul. Retarder l’affrontement final ne mènerait à rien, juste à gagner un peu de temps, temps qui permettrait au Mal Suprême de conquérir d’autres mondes. Vingt-neuf lui appartenaient, mais elle, Mage des Temps, ne laisserait pas tomber un trentième dans son giron. Non ! Elle refusait cela. Muriel redescendit, et lut en attendant que le conseil ne se tienne, afin de prendre des décisions.

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* Voir carte de Magilia