lundi 13 avril 2009

Chapitre 22 : Le calme trompeur

Heucalia s’éveillait paisiblement, alors que la Sorcière de la Tour descendit dans une salle d’étude. Elle attendait l’éveil des adolescents afin de prendre un petit-déjeuner dans la salle où la collation avait été prise la veille. Tout avait été préparé, et Muriel remercia le cuisinier et son aide qui avaient préparé de bon matin de quoi restaurer les résidents de la Tour. Il était huit heures quand les Fienpoti, Charles, Marine, Elmardie, Ullior, Nathan et Louis arrivèrent. Ils étaient levés depuis une demi-heure, et s’étaient empressés de s’habiller après une toilette. Jenny était là, et les accueillit avec un chaleureux sourire principalement destiné au prince de l’Armont qui rougit un peu. La future Mage des Temps fut alors certaine qu’il avait compris qu’elle était immédiatement tombée amoureuse de lui dès qu’elle l’eut aperçu pour la première fois… Muriel mangea avec eux, puis leur annonça que l’arrivée des représentants des Cinq Mondes ainsi que de Pierre et Magior était prévue vers neuf heures. Elmardie et Ullior avaient quant à eux transmis l’arrivée de Jassifiadine et de Blimont à cette heure-là également, d’après ce qu’ils avaient déclaré la veille. Il leur restait une demi-heure de libre après qu’ils eurent fini de manger. Les adolescents se rendirent à l’extérieur de la Tour Sacrée, et se promenèrent dans les petits jardins situés tout autour du bâtiment. Ils échangèrent leurs pensées. Alice fut la première à prendre la parole après qu’ils soient arrivés devant des peupliers entourant une petite mare où des oiseaux venaient s’abreuver paisiblement : « J’ai peur que nous échouions, et que les Cinq Mondes ainsi qu’Heucalia sombrent dans les ténèbres de la Peur et du Mal Suprême. Je suis inquiète pour l’avenir, et je ne pense pas être la seule. Si les Cinq Mondes n’étaient pas prêts à reformer une nouvelle Grande Alliance ? Si Heucalia était prise par la Peur, et que le piège que nous lui tendons se retournait contre nous ?
- C’est un risque que nous devons prendre, je le crains fort, déclara Elmardie. Nous devons tous nous unir, et à mon avis si nous parvenons à cela, nous réussirons. Ne dit-on pas que « l’union fait la force » ? Mais je comprends tes inquiétudes, et je ne pense pas me tromper en disant qu’on les partage tous…
- Il est vrai que l’idée de faire venir le Mage Ténébreux, ajouta Ullior, et sans aucun doute des soldats du Mal Suprême, dans le monde d’Heucalia est assez effrayante, mais nous n’avions plus le choix, et maintenant que le Portail de Fept a été ouvert vers ici avec la réunion des Grands Trésors, les dés sont jetés. Mais nous devons maintenant faire en sorte qu’ils s’arrêtent sur des faces en notre faveur. La peur de perdre nous permettra au moins d’encore plus nous motiver…
- Je pense que nous devrions en parler à Muriel, fit Alice, elle saura trouver les mots pour nous rassurer, et je crois que nous en avons besoin. Surtout Fabien, Inès, Nedjma et-même, car nous ferons partis des personnes que la Peur voudra capturer, ou bien tuer en premier. Et vu que c’est nous qui devrons sceller l’alliance… Une bonne partie de la tâche va reposer sur nous. Je ne dis pas que seuls les Fienpoti importent, mais nous serons au centre de tout ce qui va se passer… Notre rôle de Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs nous l’impose, d’ailleurs… »
Le groupe finit le tour du jardin, puis rejoignit Muriel qui était sortie dans la cour. Elle les rassura, sans cacher le risque énorme d’échec ou de mort. Elle leur avoua que l’une des raisons de créer volontairement une bataille à Heucalia, outre le fait que l’alliance devait être scellée au sommet de la Tour, car c’était à ce endroit qu’elle avait été rompue et que la Peur été née, mais aussi que ce monde possédait un puissant rayonnement magique, la bataille devait avoir lieue afin de solidariser les Cinq Mondes contre un adversaire commun, et que le meilleur moyen était de combattre ensemble cet ennemie. La Sorcière de la Tour Sacrée les pria de garder cela pour eux, car il fallait que ce rapprochement soit spontané, et surtout réel et non artificiel dans le seul but de triompher du Sorcier Noir. Fabien regarda vers le sud, et sentit de l’air, beaucoup d’air, des vents tourbillonnants et puissants qui tournoyaient en leur direction, mais encore éloignés. Ils n’arriveraient pas avant le soir. Inès regarda dans la même direction, et sentit de l’eau. De la pluie… Les deux sorciers se regardèrent, échangèrent leurs impressions, puis annoncèrent qu’un orage arrivait. Muriel sourit distraitement, pensant aux puissants pouvoirs qu’ils développaient et continueraient à croître. Il en était de même pour Jenny, et pour le futur apprenti qui apprendrait qu’il était un Mage des Temps en devenir une fois la bataille achevée… Un chat noir sortit de la tour, et se frotta contre les jambes de la Sorcière de la Tour, lui réclamant des caresses qui lui furent données. Le félin parti ensuite en direction du jardin, alors qu’un coche arrivait, avec à son bord Pierre, Magior, Hélène Dudragon, Florian Legros et Marco. Un second arriva quelques minutes après, avec à l’intérieur Jassifiadine, Blimont, les rois et reines de l’Armont et de Lumière. Un troisième arriva ave les anciens Fienpoti. Tout le monde était là, et furent invités à entrer. Ils s’installèrent sur des sièges dans une vaste salle d’études, et très vite les discussions furent entamées. La Peur pouvait arriver d’ici trois, deux jours, voire, pourquoi pas, le lendemain même. Il fallait tout faire pour lui permettre l’accès à Heucalia, en opposant une résistance afin de taire tout soupçon, mais aussi assurer la sécurité de Fept. Jacques Rigalor proposa de réunir de nombreux mages dans la Ville aux Quatre Pouvoirs, et les Conseillers du Peuple Magique ajoutèrent qu’eux aussi pouvaient demander à des membres de leur peuple d’aider les Mages à Fept. Ils seraient secondés par des Niumadins qui s’occuperaient de préférence des soldats. Il fallait ensuite réunir le plus de forces possible dans la contrée de Magilia, et cela était du ressort de la Lumière, de Tropon, de Xétou et de la Terre. D’autres contrées de la Magiterrae devraient elles aussi mobiliser des forces vers Heucalia, et renforcer celles à Fept. Ensuite vint le moment d’aborder la stratégie à avoir une fois le Mage Ténébreux dans le monde des Esprits. La Tour serait vraisemblablement le lieu où irait en premier le Sorcier Noir, et il chercherait à atteindre les Fienpoti et les Mages des Temps. Il faudrait donc veiller à ce qu’il y ait de nombreux mages à proximité et à l’intérieur, tandis que les Niumadins seraient à proximité du Portail par lequel l’Armée du Mal Suprême arriverait. L’attitude à avoir semblait somme toute simple, mais tous savaient qu’il y aurait des imprévus. Et faire une nouvelle alliance ne serait peut-être pas aussi simple que prévu… Douze heures était dépassé lorsque Muriel demanda à des mages qui étudiaient dans la Tour et qu’elle trouva dans la bibliothèque de se rendre à Magilia afin que de là-bas des consignes pour protéger les habitants soient transmises dans toute la conte durant l’après-midi. Et il fallait mobiliser les forces dans différents mondes le plus rapidement possible. Les adolescents se retrouvèrent seuls avec Muriel, qui leur contait des souvenirs de voyages à Terlatour, à Aix en Provence, et dans bien d’autres mondes. Elle évoqua la Bonguidanie, et son vaste territoire dans le monde de Kolias, mais aussi la grande Manufacture des Gnomes où elle avait vu l’actuel Portail des Trois-Îles être achevé il y a de nombreuses années, les Cinq Mondes… Tant de souvenirs ! Les aquisextains, Nathan, Charles, Marine, Louis, Jenny, Elmardie et Ullior se rendirent de nouveau dans la galerie souterraine, afin d’explorer davantage que la veille la grotte souterraine. Ils y arrivèrent, et firent tranquillement le tour du lac. A l’endroit où la rivière se jetait dans l’étendue transparente, un petit pont de pierre permettait de changer de rive. Ils l’empruntèrent, leur pas toujours calme. Jenny marchait près de Charles, tout en parlant avec tous les membres du groupe. Elle leur raconta que les esprits magiques venaient souvent au bord de l’étendue d’eau, et qu’on pouvait presque les sentir en fermant les yeux et en se laissant conduire par le doux bruit de l’onde qui s’écoule. Ils tentèrent l’expérience, et sentirent vaguement des présences amicales près d’eux. Elles se déplaçaient paisiblement autour du lac, et certaines disparurent, allant vers la surface, tandis que d’autres descendirent. La grande force d’Heucalia était là, résidant dans ces Esprits qui vivaient dans ce monde. Alors qu’ils suivaient tous les volutes difficilement discernables, Jenny s’approcha du Prince de l’Armont, et lui dit en lui effleurant sa main dépassant de son manteau : »Charles, j’ai quelque chose à te dire, tout à l’heure ». Elle s’éloigna de lui avant qu’il n’ait pu dire quoi que ce soit, et invita les membres du groupe à la suivre. Ils arrivèrent devant de escaliers qu’ils empruntèrent, montant vers la surface, dans les montagnes à l’arrière de la Tour, toujours mystérieusement éclairés par la paroi. Ils débouchèrent sur une petite place au cœur des massifs rocheux, et quelques maisons étaient visibles aux alentours, dont les chemins d’accès arrivaient sur l’esplanade. Une route permettait de quitter le hameau et de se diriger vers le lac et le village des Rives du Lac. Jenny se rendit à chacune des huit maisons du hameau, et avertit brièvement les habitants qu’il fallait bien se mettre en sécurité, et prévoir la possibilité de devoir s’enfuir lorsque la Peur arrivera avec son armée dans la contrée. L’apprentie Mage des Temps les conduisit ensuite le long du chemin descendant en direction de la tâche bleutée aux multiples reflets en contrebas de la montagne durant près de deux heures. C’était une promenade au cours de laquelle ils prévenaient les personnes qu’ils croisaient, et qui visait aussi à faire passer le temps, car maintenant que leur destin s’approchait à grands pas, il était difficile de penser à autre chose et de faire quoi que ce soit dans l’expectative. Les arbres et arbustes se succédaient paisiblement, et le vent faisait chanter les feuilles. Rien ne laissait deviner que le lendemain il n’y aurait aucun rayon de soleil, qu’il ferait bien plus froid, que la brise se transformerait en bourrasques violentes, qu’aucun oiseau ne chanterait, et que l’avenir des Cinq Mondes, d’Heucalia et de bien d’autres lieux et peuples se jouerait. Ils finirent par arriver au bord du Lac qu’ils longèrent durant une vingtaine de minutes avant d’arriver aux Rives du Lac. Jenny les conduisit à une auberge où ils s’attablèrent, au moment où le soleil était à son zénith. Ils savourèrent leur déjeuner, tentant de penser à d’autres choses. Aucun membre du groupe ne vit le jeu auquel se livraient l’Heucalienne et Charles. Le prince servit de l’eau, l’adolescente le remercia avec un sourire plus long que nécessaire, et un regard insistant. Le jeune homme tenta en vain de se concentrer sur sa viande, mais quand elle lui demanda avec une voix si douce un morceau de pain, il ne put éviter son regard profond, et lui rendre son sourire, en rougissant. La tentative peu naturelle d’Elmardie pour détourner l’attention du groupe captivée par ce jeu ne fit que faire réaliser à Charles qu’il était dans une situation embarrassante. La fée s’aperçut bien rapidement que tenter de parler du joli bois de la table n’était pas une bonne diversion. Le jeune Armonois tenta de retrouver de l’assurance en parlant non pas de la table, mais des magnifiques pierres de l’auberge, ce qui ne se révéla pas plus efficace, d’autant plus que Jenny continuait de le fixer. La sorcière paya pour tous les membres du groupe, Muriel lui ayant donné une bourse contenant une quantité de monnaie plus qu’honorable pour un bon déjeuner. Pour rentrer à la Tour, ils se rendirent à la maison communale, et le maire que Jenny connaisssait bien leur prêta volontiers un coche. Elle le conduisit, tandis que les Fienpoti, Elmardie, Ullior, Nathan, Marine, Charles et Louis se serraient à l’intérieur. Charles demanda soudainement à l’Heucalienne de s’arrêter, et il prit place à côté d’elle, prétextant le manque de place à l’intérieur. Ils voyagèrent en silence, écoutant la conversation qui se déroulait à l’intérieur. Charles prit la main de Jenny, et celle-ci n’eut aucun mal à tenir les rênes d’une seule main jusqu’à l’arrivée. Ils attendirent jusqu’à dix heures du soir que les représentants des cinq Mondes rentrent, ayant fini ce qu’ils devaient faire pour préparer la bataille. Fept était presque prête, et le Portail au sud de Latala laissait passer de nombreux niumadins et mages.

La nuit était déjà tombée, et l’armée du Mal Suprême, conduite par la Peur, dont le principal assistant était Antoine, était prête. Chantal faisait un rituel religieux où chacun des soldats, mages et niumadins, demandait la force, le courage et la haine de leur maître. Ils étaient prêt à tout pour que le Mal Suprême soit content. Ils savaient également que les jeter du tripont, le si grand pont en forme de T qui existait depuis des siècles, était aisé. Les mettre sur le tapis roulant où les différents ateliers de fabrication jetaient les détritus, et qui finissait au bord de la rivière de lave était envisageable, et personne ne désirait mourir dans d’atroces souffrances. Le Mage Noir laissa la Grande Prêtresse du Mal Suprême achever son rite, puis se dirigea vers le tripont, et alla face au Portail. Chantal se joignit à lui afin d’ouvrir la Porte des Mondes, et le Mal envoya ses forces, par le biais d’un violent éclair noir, sombre et terrifiant de puissance malsaine. Fept finit par apparaître dans l’ouverture, plongée dans la nuit, et si calme. Le calme avant la tempête…