mardi 1 septembre 2009

Chapitre 1 : Un ancien Poème

Cinq ans s’étaient presque écoulés depuis que la Grande Alliance avait été définitivement scellée, et que la Peur était redevenue particules magiques. Mais cela faisait exactement cinq ans que Inès, Nedjma, Alice et Fabien étaient allés se promener dans la forêt du Montaiguet par une journée d’Automne qui avait été banale pour tous les terriens, sauf pour eux. Tant de choses avaient changé, et évolué depuis qu’ils avaient appris être des magiciens. Tout d’abord, ils avaient désormais dix-neuf ans et étaient de très jeunes adultes, mais n’étaient plus les jeunes adolescents que Pierre était allé rencontrer avec émotion au détour d’un sentier de la forêt. Ils allaient toujours régulièrement auprès de leurs familles, mais résidaient désormais à Terlatour, dans la tour qui était devenue leur demeure. Leur formation était globalement achevée, ils avaient appris toutes les bases nécessaires à la pratique courante de la Magie. Quant au reste et à leurs Quatre Pouvoirs, les anciens Fienpoti étaient venus assez régulièrement séjourner dans le hameau et leur avaient enseigné de nombreux sortilèges qu’ils n’avaient pas découverts. Toutefois, ils avaient de manière innée déjà utilisés des sorts, notamment lors des combats contre la Peur. Leurs amis Thierry et Coralie poursuivaient leurs études, et comptaient reprendre l’Atelier de la Forêt dont le principal responsable songeait à prendre à sa retraite qui était bien méritée. Le professeur des Fienpoti, et l’ambassadeur de l’Armont, Pierre, s’était marié un an auparavant, et son épouse, la charmante Rosalie, à la chevelure soyeuse blonde tombant en cascade sur ses épaules, aux yeux gris brillants et à la démarche légère attendait depuis six mois leur fille. Charles Rigalor suivait à Châteauor ses études afin de succéder à son père dans les années à venir, et dévorait les livres d’Histoire et de Géographie, ainsi que ceux traitant des diverses cultures dans de nombreux mondes. Mais il songeait bien souvent également à Jenny, qui finissait son apprentissage auprès de Muriel de Potel en compagnie de Nathan, en vue de devenir de véritables Mages des Temps. Sa sœur passait beaucoup de temps à Alider en compagnie de Louis, et songeait déjà au jour où elle se marierait, puis riait toute seule à cette pensée. Elle avait encore bien le temps. Marine préférait vivre paisiblement son amour, et apprendre de nombreuses choses sur le pays dont elle allait devenir plus tard la reine. Et quand on n’est pas natif d’une contrée, il y avait énormément à étudier. Hélène Dudragon était l’épouse d’un charmant jeune mage depuis trois ans, tandis que Magior commençait à se retirer peu à peu des affaires du royaume. Marco était encore Consul des Mages de l’Archipel des Palmiers, mais il savait qu’il devrait bientôt quitter son poste. Non pas qu’il y avait des gens pour le pousser à cela, il était tellement apprécié… Mais il était Mage des Temps. Certes, lors de l’Alliance, il avait occupé le rôle du représentant de Xétou, mais il sentait qu’il devait tout en restant dans les affaires de l’Archipel davantage se rapprocher des autres Mages des Temps. Toute trace des batailles contre la Peur et son armée avait disparue depuis longtemps déjà, et la vie se déroulait paisiblement dans les Cinq Mondes ainsi qu’à Heucalia. La Terre s’intégrait chaque jour encore plus dans cette communauté intermondiale, et peu à peu le mal qui pouvait y régner disparaissait, ainsi que la pauvreté et de nombreux fléaux avec l’aide des quatre autres mondes. Le Monde des Esprits participait en s’assurant que la Magie puisse reprendre sa place dans ce monde et ainsi y apporter ce qui faisait défaut, aidant la bonté à supplanter au Mal. Une Porte des Mondes avait été bâtie dans la ville de Paris, permettant ainsi à Terlatour de conserver sa vie de hameau éloigné des grandes villes, et finalement un peu hors du temps. Elmardie et Ullior s’étaient découvert une véritable passion du voyage, et voulaient découvrir toujours plus de contrées. Ils désiraient d’ailleurs devenir des ambassadeurs du Peuple Magique, fonction qu’exerçaient habituellement les Conseillers et Conseillères. Jassifiadine et Blimont s’étaient de leur côté montrés favorable à ce qu’ils deviennent ce qu’ils voulaient, et ils les emmenaient avec eux dans leurs déplacements afin de faire connaissance avec des peuples que les deux jeunes ne connaissaient pas. Kotoin était à Heucalia devenu le Directeur des Archives, tandis que Julien devenait toujours plus important au cœur de la bibliothèque Royale d’Alider, et écrivait régulièrement au prince armonois. A Calor, la disparition de la Peur avait fragilisé la puissance du Mal suprême, qui avait ainsi vu couler entre ses doigts la force magique de la Peur. Chantal avait conforté sa position de force à Jiriond, et était écoutée de tous. Après le Mal suprême, elle était la personne la plus importante du monde. Antoine s’était peu à peu fait à l’idée que sa rivale était très influente, plus que lui. Mais il savait également que tous lui cachaient son identité de Mage des Temps. Il venait de le découvrir en reliant ses rêves et ses pouvoirs grâce à des ouvrages, cinq après que les Fienpoti aient découvert la Magie. Cinq s’étaient presque écoulés, et tant de choses avaient évoluées…

Muriel venait de quitter Kotoin qui avait lu quelque chose d’étrange en rangeant des archives. Il s’agissait d’une fleur, la Fleur de la Sagesse. Elle aurait des propriétés magies et psychiques, comme le pouvoir de ressentir les caractères profonds des personnes, utile quand on ne sait si on peut faire confiance à quelqu’un, ou encore de pouvoir dialoguer en rêves avec des esprits et Génies, comme les Mages des Temps et les Fienpoti pouvaient le faire. En effet, les Esprits détenaient à eux seuls une immense partie de la sagesse et les connaissances de l’univers. Mais ce n’était pas tout, car on pouvait également lire dans le texte trouvé par Kotoin que l’endroit où la Fleur se trouvait, le « Vallon aux fleurs », on trouvait des plantes très rares, ayant des propriétés décrites comme étant fabuleuses. Mais aucune précision n’était faite. Et une allusion était faite concernant la Fleur : « Le détenteur de la Fleur de la Sagesse connaîtra une vérité fondamentale à son sujet. Une vérité qui bouleversera sa vie ». Muriel se remémora que sa mère, il y a fort longtemps, lui avait raconté la légende de ce fameux Vallon aux Fleurs, et de la fleur de la sagesse, mais ce n’était qu’une légende selon elle. Elle se remémorait d’ailleurs encore du texte poétique qui accompagnait cette légende, et qui se retrouvait sur le texte des archives que Kotoin lui avait donné :
« Dans le Vallon aux Fleurs, la Sagesse
Attend que ceux par la clef guidés
Traversent la cascade, hôtesse
De ceux qui ont aux sages plaidés
Leur cause, dans la cité de jade,
Et de ceux qui suivent la pléiade
Jusqu’à l’orangé Soleil Levant,
Où de l’ouest et du nord vient le vent. »
Le texte provenait d’un très vieil ouvrage, « Mystères Magiques non élucidés ». Kotoin devait d’ailleurs en réaliser une copie au plus vite pour ne pas perdre son contenu. Muriel fut intriguée, mais le directeur des Archives lui proposa qu’il s’en occupe en priorité pour qu’elle puisse avoir un livre en très bon état à consulter. Et elle accepta. Un peu plus d’un mois s’écoula avant que le nouvel exemplaire fut finalisé, car Kotoin et son assistant avaient à s’occuper de très nombreux livres dont les copies avaient déjà débutées. Imprimer avait beau être une opération relativement facile avec une imprimerie conçue et fabriquée par la Manufacture des Gnomes, il fallait tout de même reconstituer de longs textes en entier. La Mage des Temps reçu la copie le jour de son départ pour Terlatour, où elle allait voir les Fienpoti, mais aussi les autres Mages qui devaient s’y réunir également. Elle posa ses affaires dans son coche, puis alla s’asseoir à la place du cocher, et se rendit ainsi jusqu’à la Portes des Mondes qu’elle ouvrit vers la Terre, vers le petit hameau dans la forêt du Montaiguet, après être allée prendre Jenny qui l’attendait à Médogun où elle était allée rendre visite à un ami.

Le vent semblait jouer avec les feuilles dans les jardins de Terlatour, les promenant le long des petits sentiers, sur les passerelles de bois enjambant les petites mares et par-dessus les bancs. Les aquisextains étaient assis depuis plus d’une heure, parlant au milieu du calme apaisant qui régnait. Le soir même, Muriel, Magior, Nathan et Jenny devaient arriver, pour une petite réunion entre Fienpoti et Mages des Temps. Une réunion amicale, car cela faisait longtemps qu’ils ne s’étaient tous réunis. Près d’un an. Les Fienpoti avaient d’ailleurs conviés Charles et Marine Rigalor, Louis Nollio ainsi que Thierry et Coralie, afin aussi de passer des moments entre jeunes amis. Entre mages, ils allaient également pouvoir prendre véritablement des nouvelles de différents mondes, réfléchir aux problèmes qui pouvaient encore exister dans le monde de la Terre qui continuait son intégration dans la Grande Alliance et parmi les autres. De longs moments de réflexions, mais aussi de partages entre amis et grandes connaissances, quels bons instants en perspective ! De plus, les Fienpoti devaient voir leur apprentissage définitivement achevé, de manière officielle, ce qui impliquait également que désormais ils gèreraient leur vie seuls. Certes, Pierre serait toujours là pour les conseiller, comme les autres Mages des Temps, mais ils devenaient de très jeunes adultes, et devaient prendre leurs vies en main.

Argendor, grande ville au cœur du monde de la Bonguidanie, et capitale du Telerian, fut peu à pu envahit par un vent fort, et apportant du froid en provenance des lointains monts dont les sommets étaient déjà enneigés. L’hiver serait froid, Glariand Morital en était certain. Si au cours de son règne il avait pu constater une chose sur les phénomènes climatiques, c’était bien celle-ci : lorsqu’on devinait de la neige sur les monts se découpant à l’horizon, c’était que l’hiver arriverait un mois plus tard. Et il arrivait toujours avec de la neige. Il songea à son frère qui vivait là-bas, à Oberla-les-pins. Il devait d’ores et déjà sortir de chez lui emmitouflé, et continuer d’administrer la ville mais aussi de s’occuper personnellement avec sa femme des jardins des cascades. Il se remémora la vision de la grande cascade gelée, et des plantes recouvertes d’un léger voile blanc. Sa fille, Amandine, âgée de presque dix neufs ans arriva sur la petite terrasse attenante au bureau de son père. Elle allait partir à l’Ecole Nationale de la Magie et de son Savoir, où elle suivait un enseignement depuis déjà de nombreuses années. Magicienne, elle devait parfaire son art, tout en profitant de l’enseignement prodigué par ses parents. Etre une princesse et reine en devenir n’était pas une chose facile, même si la royauté était le régime le plus répandu dans un grand nombre de mondes. Tout comme une famille tenait la Forgerie Nationale d’Argendor, tout comme une autre gérait l’école où sa fille allait, la famille Morital avait à sa charge le royaume du Telerian. C’était ainsi, et personne n’avait jamais voulu changer les choses, le système fonctionnant. Le roi annonça à sa fille qu’elle aurait très bientôt l’occasion de voir les Quatre Sorciers aux Quatre Pouvoirs, dont on avait tant parlé quatre ans auparavant, car ils accompagneraient l’ambassadeur de l’Armont, Pierre Monbikand. Les Fienpoti visiteraient ainsi un monde inconnu pour eux. Et Amandine pourrait voir des Mages d’autres mondes, elle qui ne connaissait que des Bonguidaniens. Déjà qu’entre les niumadins il y avait tellement de différences parfois, sur le plan culturel, les pratiques de tout ce qui était manuel. Mais ces rencontres étaient toujours enrichissante, et la diversité une très bonne chose. Et entretenir des contacts avec des personnes aussi importantes et des représentants d’autres nations était fondamental. Il souhaita une bonne journée à Amandine, puis regarda de nouveau au loin. Le spectacle du soleil de l’aube faisant étinceler les sommets enneigés était d’une beauté particulière, froide et chaleureuse à la fois…